Assistantes diplômées à l’Institut de psychologie, Laboratoire de recherche en psychologie des dynamiques intra- et intersubjectives (LARpsyDIS)
Le travail de thèse entre émotion et raison
Pour ceux qui l’ont terminée, ceux qui n’en ont jamais faite ou ceux qui l’envisagent, la thèse de doctorat combine des allures de quête de Graal, de calvaire ou de chemin vers un succès, dont la valeur repose, après coup, sur les efforts investis et les doutes surmontés.
Le regard le plus réaliste — sans fantasme ou faux souvenirs —paraît celui des étudiants engagés dans le processus. Ainsi, Nevena Dimitrova et Sophie Tapparel, doctorantes qui effectuent leur thèse sous la direction de la Prof. Christiane Moro ont accepté de répondre à quelques questions de la prof. Françoise Schenk qui les a interrogées sur les raisons et motivations qui les ont assistées dans ce travail.
Pourquoi s’engager dans une thèse et la poursuivre ?
ST : Mes études m’ont donné le goût de la recherche mais je ne voulais pas simplement « faire une thèse ». Mon sujet devait s’inscrire dans un paradigme auquel j’adhère totalement et acquérir une signification par une ouverture pratique. J’ai quelque peu « erré » avant de LE trouver. En étudiant le rôle d’un Centre de Vie Enfantine dans le développement psychologique des enfants qui y son accueillis, j’ai retrouvé des motifs qui avaient animé mon entrée dans la vie professionnelle comme éducatrice de l’enfance et peux ainsi « boucler la boucle ».
ND : Il faut des idées précises sur ce qu’on souhaite faire, tenir compte des expériences et de ses intérêts. Mes nombreux stages ont beaucoup compté dans mon orientation. J’ai été séduite par le métier du chercheur,la démarche créatrice, la confrontation des idées, la volonté de dépasser les connaissances préalables. Ce travail ne cesse de se développer, il est en constante transformation, ce qui correspond à mon caractère. Sans curiosité ni passion, je me serais démoralisée. Je le poursuis parce que je me suis approprié des objectifs construits sur une réflexion et un investissement importants. J’ai ainsi la certitude de lui donner une signification personnelle. Mais cela ne suffit pas, il faut être convaincu.
ST : Pour « tenir » (plutôt se « maintenir ») dans une construction qui se réalise par son avancement, il faut passion, curiosité…et un (gros) brin d’obstination ! Comment,sans passion, rester émerveillée devant l’amas de données issues de mes observations, les analyser encore ? Comment, sans curiosité, rester ouverte à la découverte, la provoquer ?
Et surtout, quand l’achever?
ST : Pour moi, « terminer… dans le temps que je me suis imparti ». Il y a l’engagement pris avec le Centre de Vie Enfantine qui m’a accueillie pendant plus d’un an. Par la manière dont ma thèse veut souligner le rôle spécifique de ces centres dans le développement psychologique des enfants qui y sont accueillis, je considère, peut-être avec un brin d’utopie, qu’elle contribuera à revaloriser la profession d’éducateur-trice de l’enfance. Enfin, je me dois de la terminer parce que c’est MON sujet et qu’il me tient à cœur.
ND : Je finis actuellement ma thèse pour remplir mon contrat auprès de l’institution et rendre ma contribution scientifique. Mettre de l’ordre dans ce que j’ai pu entreprendre lors de ces quatre années, rédiger l’ontogenèse— si l’on peut dire —de mon étude : genèse, évolution et, pour finir, non pas déclin mais métamorphose! Je veux aussi m’affirmer comme chercheuse, franchir une étape indispensable à mon projet professionnel.
La recherche, entre soleil et ombre
ND : J’aime le côté créateur de la recherche : confronter des théories parfois éloignées, trouver les méthodes pertinentes, développer une logique dans des résultats parfois contraires aux hypothèses de départ. On y apprend tous les jours, on échange avec d’autres, on se remet en question ou se conforte dans sa démarche. J’aime cette liberté d’associer des idées, de les confronter, de les développer.
ST : C’est bien un long processus de création, d’étapes stimulantes ou déroutantes, entrecoupées d’errements… Ce n’est certainement pas« un long fleuve tranquille ». Mais les moments de création intense, fruit d’une réflexion solitaire ou d’un partage d’idées, font oublier remous et difficultés. Le plus difficile est sans doute le sentiment de solitude qui m’habite parfois, seule face à mes données, coupée du monde extérieur, à la recherche d’une manière de les saisir, de leur donner forme, de les rendre intelligibles.
ND : Ce que j’aime moins, c’est l’impact des modes scientifiques sur l’accessibilité des publications,la définition de la valeur d’une étude ou d’un chercheur par un « facteur d’impact »arbitraire. Je n’apprécie ni l’hermétisme de certains chercheurs ni le manque de confrontation des idées.
Quel sens donner à la recherche à l’université?
ND : Il me paraît essentiel de lier recherche et enseignement. L’université est le lieu de transmission des connaissances, mais aussi celui du débat, de l’effervescence des nouvelles idées, le contexte par excellence de la recherche. Les étudiants, avec leur regard passionné et leur esprit ouvert y amènent des idées nouvelles. Pour que l’université soit un lieu vibrant de transmission des connaissances, elle doit être en constant mouvement,remise ainsi en question par la recherche.
ST : Pour moi aussi,c’est le lieu privilégié de la recherche. Elle favorise l’acquisition des compétences, assure disponibilité temporelle et indépendance de pensée…Il faut y faire évoluer les «certitudes», qu’elles soient fondées sur des connaissances ou des « normes ». Ce qui lie étroitement recherche et enseignement et assure le partage des découvertes et des avancées scientifiques au travers des enseignements. Il m’importe qu’un tel partage atteigne la communauté extra-universitaire au sens large.