Le mouvement peut-il guérir ?
Histoire de l’engagement des médecins français dans l’élaboration de l’éducation physique (1741-1888)
Grégory Quin a été assistant-diplômé à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne entre 2006 et 2011. Il poursuit actuellement ses recherches dans le cadre d’une bourse de l’Union Européenne de Football Association. Sa thèse a été faite sous la co-direction de Nicolas Bancel, Professeur à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne et Rebecca Rogers, Professeure en Histoire de l’Education à l’Université Paris Descartes.
Cette recherche doctorale analyse l’engagement des médecins français autour de l’éducation physique entre 1741 et 1888. Basé sur un travail prosopographique d’identification des médecins qui ont participé à l’élaboration de l’éducation physique, ce travail repose sur une mise en dialogue de leurs prises de position respectives. Pour réaliser cette enquête, nous avons compulsé un large corpus de sources primaires, composé des ouvrages consacrés à la gymnastique médicale mais aussi une très large portion de la production d’imprimés touchant à l’anatomie, l’hygiène, la thérapeutique, la physiologie, l’orthopédie, etc. Le corpus contient également des articles des principaux dictionnaires médicaux de la période et des principales revues médicales du XIXe siècle. Avec une approche critique de l’historiographie et à partir de ce corpus, nous avons travaillé dans le cadre de contextes définis pour saisir au plus près les logiques sociales et scientifiques amenant les médecins auprès de l’éducation physique.
Trois conjonctures successives structurent l’engagement médical. Entre 1741 et 1817, la thèse retrace l’émergence d’un questionnement ; les années 1817-1847 constituent un « moment orthopédique » dans la formulation de la gymnastique ; et finalement entre 1847 et 1888, on observe une diversification des voies de légitimation médicale des exercices du corps. Ces trois moments de l’histoire des « discours gymniques médicaux » proposent un certain nombre de convergences : la prégnance de l’orthopédie, une certaine concentration autour de la santé des corps féminins, l’inclusion dans un « projet hygiéniste » ; mais aussi des divergences et des singularités : relatives à la progressive structuration en cours du champ médical, à l’implication progressive du politique (surtout après 1845/1850), aux transformations des pathologies/doctrines médicales « dominantes », ainsi qu’à l’importance plus ou moins forte de l’une ou l’autre des facettes de l’éducation physique (militaire, athlétique, « médicinale » ou pédagogique). Le processus est aussi celui de l’expérimentation de la curation de certaines pathologies (scolioses, affections nerveuses), dans des configurations idéologiques/scientifiques marquées par la « dégénération » (XVIIIe siècle), l’anatomie pathologique (début du XIXe siècle) et plus tard la « dégénérescence » et les affections nerveuses (après 1850).