Servir au restaurant : sociologie d’un métier (mé)connu
Après un mémoire de licence sur les chômeurs créateurs d’entreprises, Angélique Fellay s’est intéressée à la problématique des métiers de services. Elle a terminé son travail de doctorat en novembre 2010, sous la direction de la Prof. Françoise Messant Laurent de l’Institut des Sciences sociales et est actuellement chargée d’études RH dans l’unité « Pilotages et Projets » du Service du personnel de la Ville de Lausanne.
Mon travail dégage les ressorts de cette « entreprise humaine organisée » qu’est le métier de serveur ou serveuse en restauration traditionnelle, mais dont l’organisation n’apparaît pas d’emblée, tant elle est peu formelle et formalisée. À partir d’une démarche empirique, et en croisant différentes approches — sociologie du travail, sociologie des groupes professionnels, sociologie des services et études genre —, la recherche effectuée met en évidence ce qui fait le métier de serveur et de serveuse en restauration commerciale traditionnelle et la spécificité du travail effectué par ces petites mains du service.
Au fil de son déroulement, l’analyse dégage toute la complexité et la profonde ambivalence qui caractérisent le métier de serveur et serveuse, que ce soit au plan du travail effectué, des relations de travail, du rapport au client, des parcours professionnels ou du rapport subjectif que les personnes entretiennent à l’égard de leur travail. Service marchand marqué par la combinaison d’une domesticité ancillaire et d’une forme de domesticité familiale, activité manuelle et relationnelle, individuelle et collective, physique et psychique, combinaison de routine et d’événement, travail dont il faut effacer le caractère laborieux, personnalisation de relations entre anonymes, autant de résultats qui montrent que le métier de serveur et serveuse recouvre des réalités contrastées et combine des logiques qui peuvent apparaître comme fort éloignées, voire contradictoires.
En définitive, la clé de compréhension réside dans le fait que cette activité se situe à l’interface entre l’univers salarial, artisanal et domestique, et présente simultanément des caractéristiques propres aux différentes formes de mise au travail que sont le salariat, l’artisanat et le travail domestique. Les résultats de cette recherche plaident ainsi en faveur d’une approche transversale et globale qui ne fonctionne pas selon des catégories d’analyse figées et hermétiques — définies a priori en fonction de l’objet étudié —, mais reste ouverte pour permettre de saisir la complexité et l’hybridation des logiques à l’œuvre dans toute activité professionnelle. Ainsi, outre la contribution qu’elle apporte aux connaissances existant sur un segment professionnel peu investigué jusqu’ici, cette thèse contribue à enrichir les analyses contemporaines du travail en suscitant une réflexion de plus large portée sur les approches et conceptualisations possibles pour appréhender les activités de service.