Le profil socio-professionnel du Conseil national (2015-2019)

Par Andrea Pilotti & Roberto Di Capua, Université de Lausanne

Préambule

La nouvelle composition du Parlement au soir du 20 octobre 2019 se caractérise par un important renouvellement de la Chambre basse. On ne compte pas moins de 61 nouvelles et nouveaux élu·e·s, à savoir 30,5% des sièges au Conseil national. Ce taux de renouvellement est particulièrement élevé pour deux raisons : d’une part, cela est tributaire d’un certain nombre de sortant·e·s qui ont décidé de ne pas se représenter (30) et, d’autre part, en raison d’un nombre élevé de non réélu·e·s (31). Le taux de non-réélection des candidat·e·s sortant·e·s de ces dernières élections (18%) n’a jamais été aussi élevé depuis 1999 (22%).

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Résultats de l’étude relayés par les quotidiens Le Temps et La Regione.

1. Importante féminisation

À l’issue des élections fédérales du 20 octobre 2019, on assiste à une importante féminisation du Conseil national. En effet, la proportion de femmes élues passe de 33% en 2015 à 42% en 2019 (+9%). Le Conseil national se rapproche ainsi d’une parité homme-femme (Figure 1).

Figure 1 : proportion de femmes et d’hommes au Conseil national (2015-2019)

En observant les néo-élu·e·s, on constate que cette féminisation du Conseil National concerne tous les principaux partis : toutes les délégations partisanes, à l’exception du PDC, comptent parmi leurs nouveaux·elles élu·e·s une composition hommes-femmes soit paritaire (UDC, Verts’libéraux, PS) soit avec une majorité de femmes (Verts et PLR) (Figure 2). Même au sein de l’UDC trois élu·e·s sur six sont des femmes. Toutefois, en chiffres absolus c’est le succès électoral des Verts qui conduit le plus à féminiser le Conseil national avec 10 nouvelles femmes vertes sur les 32 nouvelles (5 du PS, 5 des Verts’libéraux, 4 du PLR, 3 de l’UDC, 2 du PDC et 1 EàG, 1 PBD, 1 PEV). Autrement dit, presque 1/3 des néo-élues sont issues des Verts.

Figure 2 : Proportion de femmes néo-élu·e·s, par parti (2019)

À l’issue de ces élections, les délégations partisanes présentant les plus importantes proportions de femmes au sein du nouveau Conseil national sont donc les formations de centre-gauche. Ainsi, 62% des élu·e·s du PS sont des femmes, 61% chez les Verts et 50% chez les Verts’libéraux. Les autres délégations ne présentent pas de parité homme-femme : 34% des élu·e·s PLR sont des femmes, 32% au PDC et 25% à l’UDC (Figure 3).

Figure 3 : Proportion de femmes au sein des délégations partisanes du Conseil national (2019)

2. Légère académisation

Alors que le taux d’universitaires siégeant au Conseil national n’avait cessé de diminuer depuis les années 1990 en raison du succès de l’UDC, pour la première fois la proportion d’élu·e·s possédant un titre universitaire augmente. En effet, le Conseil national s’académise avec 61% d’élu·e·s possédant un titre universitaire à l’issue de ces élections contre 57% en 2015 (Figure 4). Tout en augmentant, ce pourcentage reste à titre de comparaison plus bas que celui de 1980, où le Conseil national comptait 67% de diplômés universitaires.

Cette nouvelle tendance issue des élections fédérales de 2019 s’explique par la forte proportion d’universitaires chez les néo-élu·e·s parmi lesquel·le·s 66% possèdent un titre universitaire. En terme partisan, cette tendance s’exprime davantage chez les Verts’libéraux où chez les 10 néo-élu·e·s, 9 sont universitaires (90%) ; mais aussi chez les Verts avec 71% d’universitaires (12 sur 17 néo-élu·e·s) ou encore au PS avec 8 néo-élu·e·s universitaires sur les 10 et le PDC (5 néo-élu·e·s universitaires sur 6) (Figure 5). Cette tendance est moins marquée à droite où l’UDC élit 2 universitaires sur ses 6 entrants ; 4 universitaires sur les 7 néo-élu·e·s au PLR.

Figure 4 : proportion d’élu·e·s au Conseil national titulaire d’un titre académique (2015-2019)

Figure 5 : proportion de néo-élu·e·s universitaires, par parti (2019)

Dès lors, la délégation partisane au Conseil national présentant la plus importante proportion d’universitaires est en 2019 celle des Verts’libéraux où 88% des élu·e·s sont universitaires ; suivi de près par les Verts et les PS avec des délégations à 79% composées d’élu·e·s possédant un titre universitaire ; viennent ensuite le PDC avec 72% et le PLR avec 59% ; seul l’UDC continue à présenter une délégation avec une minorité de diplômés universitaires, soit 34% des élu·e·s agrariens (Figure 6).

Figure 6 : Proportion d’universitaires au sein des délégations partisanes du Conseil national (2019)

3. Changement du profil professionnel du Conseil National

Le profil professionnel du Conseil national reste assez stable. Le Parlement fédéral reste un Parlement principalement composé en 2019 de professionnels de la politique (37% c’est-à-dire des élu·e·s aux exécutifs communaux, des parlementaires professionnel·le·s et des fonctionnaires d’association) ; d’entrepreneurs (23%) et d’élu·e·s exerçant une profession libérale (23%) (Annexe 1).

Nous pouvons toutefois relever trois légers changements, bien que dans l’ensemble nous n’assistons pas à d’importantes transformations.

Premièrement, une progression des élu·e·s avec un statut de salarié·e·s qui passent de 15% en 2015 à 19% en 2019 (Figure 7). Cette progression se réalise notamment par une augmentation des enseignant·e·s qui passent de 2% en 2015 à 6% en 2019 (Annexe 2). En terme partisan, c’est surtout les néo-élu·e·s Verts, Verts-libéraux et PS qui renforcent cette tendance avec en moyenne 1/3 de néo-élu·e·s ayant le statut de salarié·e·s (Figure 8).

Figure 7 : répartition des élu·e·s selon leur statut professionnel (2015-2019)

Deuxièmement, on observe un léger déclin des indépendant·e·s qui atteignaient une majorité absolue en 2015 avec 51%, et passent à 45% en 2019 (Figure 7 ci-dessus). Ce déclin a été atténué par l’arrivée de néo-élu·e·s issu·e·s des formations de droite et de centre-droit possédant le statut d’indépendants (Figure 9). En effet, celui-ci s’élève à 83% parmi les néo-élu·e·s UDC ; 43% au PLR ; 50% au PDC ; 40% chez les Verts’libéraux, alors qu’ils ne représentent que 12% chez les Verts (2 sur 17 néo-élu·e·s) et 20% au PS. Le succès électoral des Verts contribue ainsi à diminuer le nombre d’indépendant·e·s et à renforcer le nombre de cadres du secteur public (24% des néo-élu·e·s Verts – voir Annexe 3).

Figure 8 : Proportions néo-élu·e·s salarié·e·s, par parti (2019)

Figure 9 : Proportions néo-élu·e·s indépendant·e·s, par parti (2019)

Troisièmement, on assiste à un léger renforcement d’un Parlement composé par des politicien·nne·s professionnel·le·s (du moins considéré comme tel avant cette élection), 35% en 2015 et 37% en 2019 (Figure 7 plus haut). Cette tendance s’explique également par le succès des Verts où plus de la moitié des néo-élu·e·s (53%) possèdent une profession politique (Figure 10), soit 9 sur 17 entrant·e·s (citons à titre d’exemple Nicolas Walder, membre de l’exécutif de la ville de Carouge, Sophie Michaud-Gigon, directrice de la FRC et Delphine Klopfenstein-Broggini secrétaire des Verts du canton de Genève ainsi que députée). Cette catégorie professionnelle s’élève à 50% au sein du PS, 43% au PLR, 30% chez les Verts’libéraux et seulement 17% au sein du PDC.

Figure 10 : Proportions de néo-élu·e·s exerçant une profession politique, par parti (2019)

Notons encore que parmi ces néo-élu·e·s on trouve une proportion assez significative de parlementaires issu·e·s de familles comptant d’anciens parlementaires fédéraux. En effet, 10% des néo-élu·e·s ont un père ou une mère anciennement élu·e au Parlement fédéral (par exemple, les PDC Marianne Binder-Keller et Vincent Maitre, le Vert Kilian Baumann ou encore l’UDC Benjamin Giezendanner).

Conclusion

Le profil socio-professionnel du Conseil national ne change que peu à la suite des élections fédérales du 20 octobre 2019. On peut toutefois souligner la féminisation importante de la Chambre basse, un renforcement de son académisation, la relative augmentation des cadres du secteur public et une augmentation des professionnels de la politique qui éloignent désormais de plus en plus le Parlement fédéral d’un dénommé Parlement de milice. En terme partisan, ces quatre tendances s’expliquent notamment par le succès électoral des Verts et des Verts libéraux (respectivement + 17 et +9 sièges); par la relative stabilité du PS et du PLR (malgré la perte respective de 4 sièges chacun) et par le sensible déclin de l’UDC (- 12 sièges).

En termes de représentativité, le Parlement fédéral est loin d’aboutir à une identité gouvernant-gouvernés attendue à travers l’idéal du système de milice. En effet, si on assiste à un réel progrès en termes de représentativité des femmes, le Parlement suisse reste un organe socialement très sélectif qui se compose essentiellement d’universitaires, d’entrepreneurs, de professions libérales ou de politiciens professionnels ; toutes des catégories minoritaires au sein d’une société suisse en majorité composée de salarié·e·s.

Annexes

Annexe 1 : Professions des élu·e·s du Conseil national en 2019

 

Annexe 2 : Répartition des élu·e·s selon la profession (2015-2019)

Annexe 3 : Proportions néo-élu·e·s salarié·e·s du public, par parti (2019)