Le protectionnisme est une politique commerciale qui consiste en une intervention de l’État dans l’économie pour privilégier les entreprises nationales au détriment de la concurrence étrangère. Par la mise en place de mesures spécifiques, l’État tente de restreindre l’importation de produits étrangers. Ces mesures sont de type tarifaire – les taxes douanières – ou non-tarifaire – les quotas d’importation, les subventions ou autres réglementations.
Protectionnisme et libre-échange sont opposés. Depuis le 16e siècle déjà, cette opposition fait l’objet d’un débat. Jusqu’aux années 1940, le protectionnisme a été la pratique dominante (excepté la période entre 1840 et 1870). Depuis, le libre-échange est le principe prépondérant en matière de commerce international, bien que des mesures protectionnistes existent toujours.
Objectifs et mesures protectionistes
L’objectif d’une politique protectionniste est de favoriser l’économie nationale à travers des mesures permettant de restreindre les importations. On incite les consommateurs à acheter des produits du pays, plutôt que de l’étranger. Les producteurs nationaux en tirent un bénéfice car n’étant pas en concurrence avec les entreprises étrangères ils n’ont donc pas à baisser leurs prix.
Mesures
Différentes mesures peuvent être prises par l’État pour freiner l’entrée de marchandises dans le pays. Ces mesures peuvent être de type tarifaire ou non-tarifaire:
- Mesures tarifaires: il s’agit d’appliquer des droits de douane aux importations, c’est-à-dire de taxer les produits importés. Cette taxe peut être « ad-valorem » (un pourcentage de la valeur du produit) ou spécifique (un montant fixe par marchandise).
- Mesures non-tarifaires: sous différentes formes (quotas, subventions, interdictions, normes sanitaires ou techniques…), elles restreignent ou compliquent l’accès au marché national pour les entreprises étrangères. L’Etat peut fixer des quotas commerciaux (ou contingentements) qui limitent la quantité maximale de produits importables ou simplement en interdire l’importation. Il peut aussi appliquer des procédures administratives lourdes, des réglementations complexes, ou des normes sanitaires qui dissuadent l’importation de marchandises. Des subventions aux producteurs nationaux sont aussi possibles afin que leurs produits soient meilleur marché que ceux venant de l’étranger, encourageant donc aussi l’exportation. L’Etat peut également jouer sur le taux de change de sa monnaie: en la dévaluant, il favorise les exportations et les importations deviennent plus coûteuses. Enfin, l’Etat peut décider de n’attribuer les chantiers publics qu’à des entreprises du pays ou ne consommer que des produits locaux afin de stimuler la production nationale.
Histoire
Les premières politiques protectionnistes datent du 16e siècle et des Mercantilistes, qui tentent de restreindre la sortie d’or du pays en limitant les importations.
Au 19e siècle, règne un libre-échange relatif: à l’exception du Royaume-Uni qui pratique un libre-échange total entre 1850 et 1914, tous les grands pays (Allemagne, Russie, France, Etats-Unis) mettent en place un système de protection commerciale afin de protéger leur industrie nationale.
A partir de la Première Guerre mondiale et jusqu’aux années 1940, tous les pays tentent de limiter leurs importations, principalement par des mesures non-tarifaires.
Depuis 1947 et la signature par 23 pays d’un traité promouvant le libre-échange – le « General Agreement on Tariffs and Trade » (GATT) (voir article sur le libre échange) – la tendance est à la réduction des politiques protectionnistes. Toutefois, les barrières à l’échange continuent d’exister: on désigne par « néoprotectionnisme » le recours aux pratiques non-tarifaires depuis la fin des Trente glorieuses.
Entre les années 1960 et 1980 par exemple, des pays en voie de développement d’Amérique latine ont mis en place des politiques d’industrialisation par substitution aux importations (ISI). Le but était d’être indépendant vis-à-vis des produits manufacturés venant du Nord. Il fallait donc industrialiser le pays. Par des politiques protectionnistes, on protégeait le marché et favorisait la production locale et donc l’industrialisation.
Plus récemment, la crise financière de 2008 a provoqué, selon l’OMC, une augmentation des mesures protectionnistes de plus de 50% entre 2010 et 2011 dans le monde (Etwareea, 2011).
Théories en faveur du protectionnisme
Le débat opposant les avantages respectifs du protectionnisme et du libre-échange remonte aux Mercantilistes, qui sont les premiers à promouvoir des mesures protectionnistes. Pour eux, l’État doit intervenir dans l’économie. En favorisant les exportations par rapport aux importations, il encourage le développement des industries nationales et favorise un excédent de la balance commerciale. Il s’agit d’une manière d’enrichir la nation.
Marx et les auteurs d’inspiration marxiste sont opposés au libre-échange. Pour eux, l’échange est considéré comme inégal et n’est qu’un outil de domination des pays développés sur les pays pauvres.
Friedrich List propose au milieu du 19e siècle le concept de « protectionnisme éducateur ». Dans cette perspective, des mesures protectionnistes sont nécessaires au début de la phase d’industrialisation d’un pays. La protection commerciale permet à l’industrie naissante de se développer jusqu’à devenir compétitive par rapport aux industries de l’étranger. Une fois que le niveau de compétitivité est suffisamment élevé, le libre-échange doit être établi.
Pourquoi le protectionnisme aujourd’hui ?
Les dirigeants appliquent les mesures protectionnistes pour répondre à la demande de divers groupes de pression: il peut s’agir de lobbies, par exemple un secteur industriel qui se trouve en forte concurrence avec les entreprises étrangères. Mais la demande peut aussi venir des syndicats, dont la crainte est de voir la production se délocaliser. Le protectionnisme est souvent vu comme un moyen de protéger l’économie nationale et donc de lutter contre le chômage.
Effets attendus du protectionnisme
Une politique protectionniste peut avoir des effets positifs sur l’emploi, puisque la production reste dans le pays, ainsi que sur le budget de l’Etat qui encaisse des droits de douanes sur les produits importés. Il peut aussi contribuer au développement des industries naissantes et à la protection de l’industrie nationale. D’autre part, le pays est économiquement moins dépendant du commerce international.
Arguments contre le protectionnisme
Pour la population, le coût des produits augmente car le marché est moins concurrentiel, par conséquent, leur consommation diminue. Aussi, les consommateurs achètent à un prix plus élevé que sur le marché mondial. D’autre part, l’allocation des ressources mondiales n’est pas optimale car chaque pays doit produire une plus grande gamme de produits, même s’il les produit à coût plus élevé que s’il les importait.
Références
D’Agostino, S. (2003). Libre-échange et protectionnisme. Rosny: Bréal.
Deubel, P., & Montoussé, M. (dir.). (2008). Dictionnaire de sciences économiques et sociales. Rosny: Bréal.
Échaudemaison, C.-D. (2009). Dictionnaire d’économie et de sciences sociales (8e éd.). Paris: Nathan.
Etwareea, R. (2011, 17 décembre). Le protectionnisme gagne du terrain, malgré la promesse des pays de s’en abstenir. Le Temps [en ligne]. Consulté à l’adresse http://www.letemps.ch/Page/Uuid/9fe83a88-282c-11e1-af47-532cfd8300b7|0#.Ua2fRthYlTZ
Guillochon, B. (2001). Le protectionnisme. Paris: La Découverte.
Silem, A., & Albertini, J.-M. (dir). (2010). Lexique d’économie (11e éd.). Paris: Dalloz.
Projets de recherche
Protectionnisme et industrialisation par promotion des exportations: le cas des Tigres Asiatiques *
Protectionnisme et industrialisation par substitution aux importations (ISI): le cas du Brésil *