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Critique littéraire

Un exutoire déplaisant

L’histoire suit Rose, ostéopathe quadragénaire, mariée à un architecte. Après le décès brutal de leur fille, elle sombre dans la folie et se retrouve « attachée à une longe ». À travers une langue simple, mêlée à un vocabulaire valaisan et empreinte de la nature suisse, l’esprit de la narratrice est tiraillé entre la présence obsédante des fantômes du passé et la nécessité de survivre au quotidien, portée par l’amour des siens. Elle questionne la foi, la soumission et l’indépendance des femmes, et tente de redonner du sens à sa vie bouleversée.

Dans ce tumulte, la littérature apparaît comme un refuge fragile. Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke, La Pluie d’été de Marguerite Duras, Le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa et Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo résonnent avec la détresse de Rose et l’accompagnent. Mais cet exutoire est loin d’être apaisant. Lire ne console pas : cela remet en question, dérange, et confronte. Les mots l’aident à tenir, mais ne la guérissent pas.

Avec son second roman, Jollien-Fardel confirme d’une écriture forte et subtile ; elle s’adresse à un public enclin à accepter la souffrance, quitte à oublier le reste.


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Critique littéraire

De l’émoi à l’effroi

Anéantie par la mort accidentelle de sa fille dans un accident de voiture, Rose tente de retrouver un sens à sa vie brisée. Comme si la douleur liée à cet évènement tragique ne suffisait pas, elle est mystérieusement enfermée dans la « chambre aux parois boisées » (p. 11) d’un mayen isolé. Cette réclusion amène Rose à se replonger dans ses souvenirs et les moments marquants de son existence.  

Le deuxième roman de l’autrice valaisanne Sarah Jollien-Fardel retrace ainsi l’histoire de cette femme qui partage quelques-uns des évènements de sa vie, de son enfance en Valais et jusqu’au terrible accident de sa fille, en passant par son mariage avec Camil, son amour de jeunesse. Dans un dénouement aussi brutal qu’inattendu, Rose dévoile enfin l’origine et les raisons de son enfermement. 

La tonalité intime de l’énonciation porte à merveille la première partie du récit, qui émeut par des moments de vie heureux mêlés à des instants plus sombres, comme le suicide d’un parent. Les différents personnages sont décrits avec transparence et pudeur. Ils attendrissent par leur manière d’être et leur parcours de vie. Participant à l’authenticité du roman, le style simple et parsemé d’expressions locales, comme « arole », « bisse » et « zieuter », ancre le lecteur romand dans un cadre à l’atmosphère familière et chaleureuse. Les pensées de Rose au sujet de la mort de sa fille rendent toute la souffrance et la tristesse du deuil parental, narré ici avec une touchante honnêteté. 

Le récit s’achève sur la dure vérité derrière l’enfermement longuement inexpliqué de Rose. Ce geste, présenté comme une tentative de son entourage de la protéger et de l’aider à se relever après la mort de sa fille, n’en reste pas moins brutal et condamnable. La volonté de Camil d’aider sa femme à se reconstruire excuse-t-elle ici l’excessive violence de ses actions ? C’est sur un goût amer que nous laisse ce dénouement, où l’amour semble pardonner tous les excès.