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Critique littéraire

Julien Burri à fleur de peau

Une enquête à la frontière de l’intime et du sensible. Inspiré d’un fait véridique, ce récit suit la trace d’un homme dont le corps écorché a servi de modèle aux étudiants des Beaux-Arts à la fin des années 1980. Des salles d’anatomie aux archives cantonales, en passant par les couloirs de musées, on revit, par fragments, ce destin abandonné, oublié, mutilé.

À partir des dessins et de quelques clichés clandestins appartenant à une amie prénommée C, le narrateur tente de retrouver l’identité du mort et de connaître son histoire. Il veut nouer avec lui « un dialogue silencieux […] entre mon corps et le sien » (p. 23). Une écriture dénuée d’artifices, un vocabulaire médical méticuleux et des descriptions simples mais percutantes, tissent un lien fort entre le monde de Julien Burri, celui des vivants et celui des morts. Le cœur, les organes, la peau sont autant de correspondances entre ces réalités qui ne se croisent jamais, mais qui ne cessent de communiquer.

Guidé par les restes de l’écorché, dans un rapport presque charnel à lui, Julien Burri décrit alors le cycle de la vie, de l’enveloppe extérieure jusqu’aux entrailles, depuis l’agonie jusqu’à la naissance. Lire Ce que peut un cœur, c’est donc prendre le chemin inverse, déjouer le sort et interroger l’existence même par la mort. C’est recevoir le monde, son silence et sa disparition. C’est aller au plus près de la vie humaine. Au plus près de soi.