Comme son nom l’indique, le premier roman de Nina Pellegrino met en scène deux losers qui décident de se débarrasser de leurs médicaments et de leur flemme pour partir à la rencontre d’Arthur Rimbaud – ou plutôt, de ce qu’il en reste. Fini la glande : place au sublime !
D’aucuns grimaceraient à la vue de ce synopsis, craignant un road-trip stéréotypé, fondé sur la figure du poète maudit le plus connu de la culture française. Or, pas de cliché ici. Si l’autrice aborde des thèmes usés – tels que la santé mentale, l’isolement et l’altérité –, c’est avec regard neuf et au travers de personnages vulnérables et profondément faillibles. Bien loin du Bildungsroman et de ses parcours initiatiques prévisibles, les vagabonds stagnent, alors même qu’ils voyagent de leur hôpital perdu dans les montagnes jusqu’au cimetière glauque de Charleville, en passant par des fêtes nostalgiques du communisme à Berlin.
Le style y est aussi varié que les destinations : néologismes, régionalismes et autres grossièretés recouvrent les pages et parsèment les pensées des personnages. Même si le roman s’avère parfois inégal à cet égard, la langue de l’autrice offre aux deux protagonistes une contenance particulière et au texte une dimension poétique crasse.
Charloose est une ode à la vie banale, celle des bières tièdes et des aires d’autoroutes, celle qu’on ne loue jamais et que le roman nous donne pourtant tort de ne pas apprécier à sa juste valeur. On se laisse volontiers embarquer dans ce voyage magnifiquement moyen qui parle de la folie des grandeurs en racontant celle des glandeurs.