Votre marché sur le perron
Son envie de contribuer à l’environnement et son sens de l’organisation ont permis à Thierry Briquet (HEC 2011) de créer un système de livraison de paniers durable et entièrement personnalisé. Il nous raconte.
Parlez-nous de votre société
J’ai créé Les Vélos du marché d’abord pour la ville de Lausanne. Mon activité consiste à livrer les produits maraîchers directement chez le client. Si on y réfléchit, toutes les grandes surfaces possèdent un système de distribution, mais pas les marchés.
L’idée m’est venue alors que je m’étais abonné à des paniers de fruits et légumes locaux et de saison, parce qu’il m’importait de soutenir les agriculteurs de ma région. En investiguant un peu, j’ai appris que les paniers étaient amenés en camionnette. L’entreprise de distribution récupère la marchandise chez les producteurs et la dépose dans un hangar de stockage où les paniers sont apprêtés puis transportés aux points de livraison. Je me suis dit qu’il existait certainement une manière plus durable de déplacer ces denrées alimentaires ; à vélo par exemple.
J’ai cherché une façon d’éviter les étapes « hangar » et « préparation des paniers » tout en utilisant un véhicule écologique. En partant du problème de logistique, j’en ai déduit que l’idéal serait de récupérer les produits depuis un même lieu où tous les producteurs se regrouperaient : les marchés.
J’ai donc créé un concept plus léger que les grosses entreprises : le client passe sa commande et la règle depuis mon site. Un jour et demi avant le marché, je bloque les commandes et les transmets aux producteurs. Le jour J, je vais au marché récupérer le stock que je ne conserve que le temps de la livraison à vélo. J’offre encore d’autres avantages : mes paniers sont entièrement personnalisables et livrés sur le pas de la porte, le client n’est pas obligatoirement lié à un abonnement et peut modifier sa commande jusqu’à l’avant-veille du marché.
Pour l’instant je m’occupe de tout moi-même et livre depuis le marché de la Riponne, à Lausanne. J’envisage d’étendre cette offre, dans un futur proche, au campus de l’UNIL et aux villages alentour.
Dans quel contexte avez-vous commencé ?
Mes parents exerçaient tous deux des métiers manuels et auraient pu devenir indépendants. Ils n’ont pas su saisir les opportunités lorsqu’elles se sont présentées. Ce sont sans doute ces occasions manquées qui m’ont encouragé à concrétiser mon idée et à ne pas laisser filer une aubaine.
Après mon Master, j’ai travaillé pendant 7 ans. J’ai économisé suffisamment d’argent pour pouvoir réduire mon temps de travail à 60%, investir les 20’000 francs nécessaires à la création d’une Sàrl et lancer Les Vélos du Marché. De cette manière, je bénéficie à la fois d’un salaire fixe qui tombe chaque mois et de temps pour me consacrer sereinement à mon projet entrepreneurial.
Votre compétence qui vous est la plus utile ?
Mon sens de l’organisation. Je suis en contact avec de nombreux producteurs, ce qui m’oblige à coordonner beaucoup de personnes pour commander et récupérer la marchandise efficacement, tout en tenant compte des particularités de chacun. J’anticipe une myriade de petites choses pour optimiser mon activité.
Prenez-vous des risques ?
A chaque livraison ! Je me préoccupe surtout de ma sécurité en hiver, sous la neige ou une grosse pluie. Je n’ai, par chance, pas encore affronté ce genre de météo. Si un jour les conditions étaient vraiment mauvaises, j’opterais pour mon plan B : louer une voiture électrique.
Je me souviens de ma journée d’essai durant laquelle j’ai testé mon concept « en live » au marché. Ma copine préparait les sacs et je m’occupais des livraisons. Nous avions empilé les caisses au milieu de la place sans aucune autorisation. Personne n’a rien remarqué.
A quoi avez-vous dû renoncer en devenant entrepreneur ?
A partir en weekends. Le samedi étant un jour de marché, je ne peux pas m’absenter. Depuis le lancement de mon projet, en janvier 2020, je n’ai pas eu un seul weekend libre, y compris durant le confinement, car même si les marchés étaient fermés, j’ai pu continuer mon affaire.
Votre plus grande fierté ?
La conceptualisation de mon site internet. Il a l’air tout simple du point de vue de l’utilisateur, mais à l’arrière-plan c’est un système très complexe et complètement automatisé. Après avoir essuyé plusieurs refus de développeurs qui trouvaient mon projet trop personnalisé, j’ai déniché la société Dune Gestion à Genève qui a été capable de programmer le modèle exact que je voulais.
En situation de crise, comment réagissez-vous ?
Je me rassure en sachant que j’ai des clients compréhensifs, bien conscients que l’entreprise est jeune et que je fais de mon mieux. Je me force à prendre 5 minutes de recul pour réfléchir et tâche de rebondir en tenant compte de la nouvelle situation.
Un exemple : pendant le confinement, comme les marchés étaient suspendus, je me suis mis d’accord avec les producteurs pour qu’ils me livrent à domicile. Un jour, le partenaire principal a, par erreur, imprimé uniquement la 1ère page de ma commande, ne livrant par conséquent que la moitié de la marchandise prévue. Le stress est monté, puis je me suis vite ressaisi. J’avais le choix de décaler toute la livraison au lendemain ou de transporter les paniers le jour-même et d’apporter les produits manquants le jour suivant. J’ai opté pour la seconde solution. Certes, cela engendrait le double de travail, mais garantissait des produits frais et des clients contents. Au final, on arrive toujours à une solution.
Que souhaiteriez-vous partager ?
Si vous avez en tête une idée en laquelle vous croyez vraiment, alors testez-la. Même si elle n’aboutit pas, rien ne sera perdu : vous vivrez une expérience enrichissante, vous aurez du plaisir et vous vous sentirez fier d’avoir osé tenter le coup.
L’entrepreneuriat consiste à mener à bien une idée en surmontant les obstacles qui jonchent le chemin. L’entrepreneur est comme l’explorateur : il se fraye un passage dans la jungle des défis, tout en gardant le nord pour avancer dans la direction souhaitée. Une réelle aventure !
Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 29 juin 2020