Simon Crausaz

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Les visions du monde de Simon Crausaz

À 41 ans, le Fribourgeois conseille la Cheffe du Département fédéral de l’Intérieur dans les domaines de l’assurance-maladie et de la santé. Après un bachelor en biologie, rien ne prédestinait ce natif de Villars-sur-Glâne dans les hautes sphères du pouvoir. Et pourtant, un Master en politique et management public (PMP) à  l’Institut de Hautes Études en Administration Publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne va tout changer.


Par pudeur ou timidité, Simon Crausaz a d’abord hésité avant de dérouler le fil de sa vie. Pas simple en effet de regarder dans le rétroviseur; de questionner ses choix et de mettre du sens dans une carrière personnelle et professionnelle très riche. Mais le Fribourgeois de 41 ans est d’un instinct curieux. Il ne se dérobe jamais devant la nouveauté. C’est d’ailleurs  ce trait de caractère qui le met en mouvement. Rien d’étonnant donc à ce qu’il sautille depuis toujours de case en case; d’un contexte à un autre. Au premier regard, le parcours morcelé de cet assoiffé de connaissances, qui est par ailleurs titulaire d’un brevet de pilote et d’une ceinture noire de judo, peut paraître brouillon. Il révèle en fait un puzzle cohérent et un bagage redoutable pour celui qui accompagne aujourd’hui la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider concernant les dossiers de politique de la santé.

Rien ne le destinait aux hautes sphères du pouvoir. Ni ailleurs. Simon Crausaz est de ceux qui se projettent partout. Depuis son enfance à Villars-sur-Glâne, il cultive d’ailleurs cette liberté d’explorer toutes les possibilités qui s’offrent, en prenant soin de ne fermer aucune porte. Il survole sa scolarité en Gruyère avec facilité, «sans trop se poser de questions», dit-il. Au collège à Bulle, ce généraliste dans l’âme prend plaisir dans toutes les matières. Une période bénie stoppée nette par le décès prématuré de son père.

Pour la première fois, Simon Crausaz doit faire un choix: «Je me suis soudain retrouvé dans un moment charnière alors que je me cherchais encore une voie. Il se lance alors en biologie à l’Université de Fribourg: «J’ai beaucoup aimé et qui plus est dans la seule université bilingue d’Europe.» Il se spécialise alors jusqu’au Bachelor en immunologie et neurologie. Un choix du cœur plutôt que de carrière: «Je me suis concentré sur ce que j’aimais étudier plutôt que sur la finalité des études. Tout a pourtant une fin.»

Lors de son travail de Bachelor, il intègre un groupe de recherches sur la régénération de la moelle épinière. La matière le passionne, mais la perspective de faire sa vie dans un laboratoire le bloque. Simon Crausaz n’aime pas s’enfermer dans une case; il aime cultiver une vision d’ensemble. Il songe alors au journalisme scientifique. Puis il entend parler d’un Master en politique et management public (PMP) à l’Institut de Hautes Etudes en Administration Publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne. Le Fribourgeois est convaincu par ce cursus généraliste. Il se lance sans attendre dans une année préparatoire au Master: «Personne ne comprenait mon choix d’arrêter la biologie.» Simon sait pourtant qu’il se trouve à la bonne place.

Nous sommes en 2008. Tel un bulldozer, Simon Crausaz boucle son année préparatoire et s’envole pour Toronto, où il fera un diplôme d’anglais. Il poursuit ensuite cette quête d’ailleurs dans un périple de plusieurs semaines en Amérique du Sud, où il apprend l’espagnol. Puis c’est la rentrée des classes à l’IDHEAP. Le Fribourgeois goûte enfin au changement: «Moi qui vient des sciences dures où l’on aboutit à des conclusions fermées, j’ai dû changer de paradigmes et m’ouvrir à la pluralité des points de vues offerte par les sciences sociales et humaines. Ce sont deux logiques très différentes. Cela m’a vraiment permis d’ouvrir ma compréhension du monde. Les cours étaient d’une richesse folle.»

Pour son Master, Simon Crausaz se spécialise en économie publique à l’issue d’un semestre à l’Université de Neuchâtel. Il s’y forme notamment à la politique monétaire et à la stabilité des prix. Puis il effectue son stage au Service de la santé publique de l’État du Valais. Le Fribourgeois goûte aux joies des dossiers très politiques. C’est à ce moment-là que ses envies d’ailleurs refont surface. Simon Crausaz cultive le «rêve romantique» d’une carrière à l’international; au CICR par exemple. Il ne sautera pas le pas: «Le médecin cantonal de Fribourg cherchait un économiste avec des compétences en biologie. J’étais obligé de postuler». Simon Crausaz est engagé comme collaborateur scientifique en charge des finances et de la coordination du Service du Médecin cantonal.

De retour sur ses terres natales, le quadragénaire, père de deux enfants, s’émancipe à l’Etat de Fribourg et grimpe les échelons. Après les finances, il pilote les projets de prévention de la santé, notamment sur l’alcool. Parallèlement à ses fonctions, il complète sa formation avec un CAS en économie de la santé de la faculté des HEC de l’Université de Lausanne ainsi qu’un CAS en communication et coaching. Il devient ensuite l’adjoint du médecin cantonal et pilote le domaine des catastrophes sanitaires. Simon Crausaz aime se confronter à toutes les réalités d’une fonction et des projets: «J’aime ces différents profils qui se côtoient autour d’une table. C’est un sentiment que j’ai développé dans le cadre du Master PMP de l’IDHEAP. On y apprend à parler à tout le monde, au politique, comme à l’économiste ou au juriste. On devient des traducteurs grâce à cette formation.»

Après sept ans et en quête d’évolution, Simon Crausaz postule au Département fédéral de l’Intérieur (DFI) en tant que conseiller spécialiste. Au fil d’un processus de recrutement exigeant, il prend conscience de l’enjeu du poste et de sa proximité avec, à l’époque, le Chef de Département Alain Berset, et aujourd’hui la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider. En effet, Simon Crausaz fait le lien entre l’office fédéral de la santé publique, le Parlement et la Cheffe du Département: «Quand un dossier est prêt, je le présente à la Conseillère fédérale et je réponds à ses questions. Puis j’accompagne le dossier au Parlement.» Le Fribourgeois est en charge de la LAMAL. Un dossier politiquement explosif.

Le poste est exigeant. Simon Crausaz vit au rythme de la politique et de ses aléas. Il adore cette exigence de réactivité. C’est d’ailleurs au fil de ses six ans au DFI que le conseiller développe une véritable sensibilité politique: «J’ai réalisé qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui connait tout le processus d’une proposition de révision de loi par exemple; soit des offices jusqu’au Parlement. Il faut avoir une vue globale sur le fonctionnement de l’administration et connaître précisément les procédures parlementaires. Cela permet d’être au contact des commissions, d’apprendre ce qu’est la politique; comprendre comment un dossier évolue et comment une majorité se crée. La politique, c’est une somme de personnes et d’avis. C’est ce qui fait que la chose est passionnante.» On croit notre généraliste sur parole.

Lausanne, le 12 mai 2025

Article de Mehdi Atmani, Flypaper
Portrait de Simon Crausaz © Felix Imhof