À la conquête de l’or vert
À la tête de l’entreprise de collecte, de tri et de recyclage Retripa à Crissier, le Pulliéran est un maître en économie circulaire en Suisse romande. Mais rien ne prédestinait ce diplômé d’HEC et de Droit de l’UNIL à devenir le grand patron du recyclage.
Entrepreneur, mélomane, politicien… On pourrait voir en Marc Ehrlich un caméléon. Mais contrairement à l’animal, le grand patron du recyclage en Suisse romande semble préférer le vert. Depuis 2002, ce Pulliéran de 53 ans dirige l’entreprise familiale VIPA, active dans le commerce international de matières premières secondaires, issues du recyclage, pour l’industrie du papier. Et RETRIPA qui, elle, s’occupe de la collecte et du recyclage de déchets dans les cantons de Vaud, Genève, du Valais et Neuchâtel.
Mais quand il ne trie pas, Marc Ehrlich écoute de la musique classique. Cet indéfectible mélomane est notamment membre du conseil de la Fondation Septembre musical et anciennement du conseil de la Haute École de Musique de Lausanne. Très engagé dans le monde économique et politique vaudois, il s’active en politique sous la bannière PLR, dont il dirigeait la commission d’innovation.
Marc Ehrlich est un touche-à-tout qui s’assume. Lui se voit davantage comme une personnalité altruiste: «Je m’intéresse beaucoup aux autres. Mais pour y parvenir, il faut essayer beaucoup d’angles d’approche différents. La confrontation avec l’altérité me permet de voir les choses différemment et de comprendre les autres. Dans tout ce que je j’entreprends, je tends la main au plus grand nombre.»
C’est dans cet effort que Marc Ehrlich s’est lancé en politique: «Ce n’était pas un but en soi, mais un moyen de me confronter aux autres. La politique, c’est un travail sur soi-même. Si vous la voyez comme un but en soi, vous risquez d’être très déçu. On y consacre énormément de temps pour relativement peu de résultats.» Peu importe, son engagement politique lui permet de rendre audible la voix des entrepreneurs.
Marc Ehrlich ne s’en cache pas; la politique de milice a des conséquences immédiates: «comme nous sommes dans un monde non professionnel, vous avez des métiers sur représentés en politique communale et cantonale. Mais peu d’entrepreneurs. C’est tout un pan de l’économie qui n’est pas représenté. Je me suis donc dit qu’il y avait un manque. La population veut des solutions d’économie circulaire, il faut donc des réponses politiques. Mais peut-on faire être de droite et écologiste?
À la question résolument provocatrice, Marc Ehrlich sourit: «Être de droite, c’est faire preuve de pragmatisme. L’introduction de la taxe au sac dans le canton de Vaud, que j’ai défendue politiquement, est un bon exemple. En quinze ans, nous sommes passés d’un taux de recyclage de 43% en 2005 à 57% en 2020. C’est une preuve que le monde économique est capable de travailler main dans la main avec le législateur. Mon rôle est d’apporter des solutions concrètes et applicables pour préserver l’environnement.»
Mais avant d’en arriver là, Marc Ehrlich est d’abord passé par les bancs de l’Université de Lausanne, où il sort diplômé avec un master en gestion d’entreprise de la faculté HEC et un master en droit Européen de la Faculté de Droit. Avec ses titres en poche, le Pulliéran ne se prédestine pas pour autant à intégrer l’entreprise familiale: «Ce n’était pas une discussion à table. En sortant de l’Université, j’avais très envie de faire mes propres expériences.» Marc Ehrlich s’exile donc à Genève, où il rejoint le cabinet d’audit Pricewaterhouse Coopers (PWC): «J’étais très heureux, très bien formé.»
Un jour, son père l’appelle: «Il commençait à être fatigué. Il pensait vendre et m’a demandé si je voulais acheter. Il m’a fallu quelques années, mais j’ai fini par racheter l’entreprise familiale.» Pour Marc Ehrlich, c’est le grand saut: «Le monde académique vous pousse à prendre du recul, à faire un effort intellectuel considérable. Il faut être compétitif pour ne pas trébucher lors des années éliminatoires. Cet effort intellectuel vous donne un étalonnage pour le reste de votre vie, à vous pousser vous même.»
Si HEC et le Droit «donnent de très bonne bases théoriques, elles ne vous préparent pas au monde du travail qui est un monde de relations, souligne Marc Ehrlich. Dans l’entreprenariat, on doit comprendre très vite ce qu’attendent notre entourage professionnel et nos clients. Certes, les acquis théoriques et académiques sont indispensables. Mais ce qui prime, c’est l’humain et les équipes. C’est pour cela que j’engage très souvent des sportives et des sportifs de haut niveau. L’aspect théorique peut parfois leur manquer, mais ils ont un très fort esprit d’équipe. La clé, c’est de réussir ensemble.»
Lausanne, le 11 septembre 2024
Article de Mehdi Atmani, Flypaper
Portrait de Marc Ehrlich © Felix Imhof