Françoise Emery

Françoise Emery, celle qui tient le guidon de la FIM

Françoise Emery n’a jamais rêvé de moteurs rugissants ni de circuits poussiéreux. Et pourtant, c’est bien elle qui dirige aujourd’hui la Fédération Internationale de Motocyclisme, une institution fondée en 1904. Originaire d’Aigle, issue d’une famille de vignerons, elle a grandi entre vignes et montagnes, loin de l’univers du deux-roues. Diplômée d’HEC Lausanne, elle construit d’abord un parcours entre finance, audit et expériences internationales, avant de rejoindre la FIM presque par hasard, en quête d’un environnement de travail humain. Première femme à en prendre la tête, elle incarne un leadership tout en discrétion, fondé sur l’écoute, la loyauté et le respect.

Assise sur l’un des sièges entourant la table baignée de lumière, Françoise Emery sourit. «Quand les arbres sont bien taillés, la vue est superbe.» Depuis son bureau vitré à Mies (VD), on aperçoit en effet un coin de lac, juste à côté d’une perspective plongeante sur le futur musée de la FIM, qui ouvrira ses portes en décembre 2025.

La directrice générale a rejoint la Fédération Internationale de Motocyclisme (FIM) en 2003. «Jamais je n’aurais pensé y rester aussi longtemps», sourit-elle. Engagée initialement comme assistante financière, Françoise Emery a gravi les échelons au fil des ans. «Depuis le début, j’aime venir travailler chaque matin.» En 2021, Françoise Emery devient la première femme à prendre la tête de cette organisation fondée en 1904.

Pourtant, «je ne viens pas du monde de la moto. Pas du tout», confie celle qui est issue d’une famille vigneronne d’Aigle, dont elle représente la huitième génération. La CEO a ainsi davantage grandi entre vigne et ski, qu’entre guidon et cuir.

Diplômée en 1997 de la Faculté des HEC de l’Unil, puis formée à l’audit, Françoise Emery part vivre à Hong Kong deux ans où elle travaille comme bénévole au Consulat suisse. «C’était très enrichissant comme expérience. Ça m’a donné envie de continuer à évoluer dans un environnement international.»

De retour en Suisse, elle rejoint Medtronic. «Je travaillais entre 12 et 15 heures par jour, c’était extrêmement intense.» Un rythme finalement impossible à concilier avec sa nouvelle vie de mère. Françoise Emery dépose alors son CV chez un chasseur de têtes. «J’avais deux critères importants, se souvient-elle. Rester dans un cadre international et trouver un environnement de travail vraiment agréable.» Lorsqu’on lui soumet une offre, sans dévoiler l’entreprise qui propose le poste, elle est stupéfaite: «The perfect match. Le poste me semblait littéralement fait pour moi.» Elle l’ignorait encore, mais le moteur de sa carrière venait de passer la première… direction la FIM.

Aujourd’hui à la tête d’une organisation internationale de 56 personnes et de 123 fédérations membres, Françoise Emery incarne un leadership humain: «J’ai toujours travaillé avec humilité. Pour moi, c’est la loyauté envers la FIM qui compte, pas ma personne. On est tous de passage, la FIM doit rester. Je ne fanfaronne pas en disant que je suis la première femme. Mais je suis fière que la porte soit désormais ouverte. Je pense que si on aime ce qu’on fait, qu’on travaille dur, qu’on reste simple, à l’écoute, alors beaucoup de choses deviennent possibles.»

Dans les couloirs du siège de la FIM, elle nous montre avec enthousiasme les bureaux et le laboratoire technique où sont entre autres analysées les pièces litigieuses récupérées sur les circuits. Juste à côté, quelques modèles de motos, de toutes disciplines, trônent. Elle s’arrête devant chaque engin pour le détailler. «Ici par exemple, on a une moto électrique. Notre département technique réalise les balances de performance pour l’évaluer par rapport à une thermique et garantir une compétitivité équivalente. Pour les petits, on a aussi ce qu’on appelle des mini-GP…», poursuit-elle en désignant plus loin un modèle miniature.

La moto? Françoise Emery n’en pratique pas. «Mais l’envie est là. Ça me démange.» Une chose est sûre, la directrice générale dirige en faisant fi des stéréotypes. Elle travaille à l’évolution d’un monde qu’elle a su apprivoiser par l’écoute, en prenant le temps de le comprendre.


LES QUATRE QUESTIONS ALUMNIL

Quel était votre lieu préféré à l’Unil pendant vos études?

La cafétéria du bâtiment HEC. C’était notre point de rencontre, on y jouait aux cartes entre deux cours. J’en garde de très bons souvenirs.

À quels cours ou quels séminaires retournerez-vous demain?

En tout cas pas les cours de statistiques! Alors disons… Le cours de droit des obligations! On avait deux avocats passionnants, ancrés dans la pratique, qui nous enseignaient à partir de cas concrets. Ce mélange entre académique et professionnel me plaisait beaucoup.

Quel conseil donneriez-vous à des étudiantes et des étudiants d’aujourd’hui?

Étudiez dès le premier jour. Mais surtout, profitez de ces années. Ce sont les plus belles! Vous avez de la liberté, un peu d’argent de poche, des amis, des soirées. C’est un moment unique. Profitez, mais en veillant à ne pas vous laisser déborder. Moi, j’ai dû refaire ma première année!

Quelle est votre devise préférée?

Je n’ai pas de devise toute faite. Plutôt des valeurs. Je crois en l’idée de rester soi-même, de considérer les autres, de travailler dur, avec humilité et respect. C’est ainsi qu’on avance.

Témoignage à retrouver dans le n°90 d’Allez savoir!
Lausanne, le 6 octobre 2025

Article de Gaëlle Monayron
Françoise Emery © Pierre-Antoine Grisoni / Strates