Sur les traces criminelles d’Eric Stauffer
L’actuel commandant du Service de défense incendie et secours régional du Nord vaudois (SDIS) jouit d’une longue carrière dans la police scientifique. Une passion débordante pour les sciences née de son héritage familial, puis d’un prestigieux parcours en Suisse et aux États-Unis, à l’issue d’un cursus à L’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne.
Les vocations sont rares, mais elles existent. Elles s’expliquent surtout. Eric Stauffer, commandant du Service de défense incendie et secours régional du Nord vaudois (SDIS) est issu de cette minorité: «Depuis mes 17 ans, j’ai toujours été engagé comme sapeur-pompier volontaire. Une activité que j’ai mené en parallèle de ma carrière jusqu’en 2015.» Nous y reviendrons. À bientôt 50 ans, cet «enfant de divorcés» a partagé son enfance entre Lausanne et Pully, auprès d’une mère professeure de biologie; d’un beau-père et d’un père tous deux ayant suivi des études de police scientifique.
Malgré cet ADN scientifique, Eric Stauffer lorgne sur un apprentissage de mécanicien automobile. C’était sans compter sur le veto maternel: «Ma mère m’a toujours dit, tu iras à l’Université. Je suis donc allé au Gymnase. Mes notes étaient très limites.» Sa maturité en poche, il veut rejoindre l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne. Nouveau veto maternel. Mais le choix d’Eric Stauffer n’est pas négociable: «J’adorais les histoires de mon père et de mon beau-père. Je trouvais fascinant d’élucider des crimes par la trace scientifique. Au-delà de ça, j’adorais la physique et la chimie.»
L’arrivée à l’Université de Lausanne est une révélation. Eric Stauffer s’immerge dans la biologie, la chimie et la physique: «C’est un domaine qui touche à toutes les sciences. J’ai adoré cette pluridisciplinarité; moi qui n’aime pas être confiné. L’École des sciences criminelles m’a permis de toucher à tout. Je me suis beaucoup plu dans ces études. Mes notes ont automatiquement remonté.» Les cours du Professeur Margot le magnétisent et l’élèvent dans la méthodologie scientifique utile à la résolution de problèmes. Après l’obtention de sa licence, Eric Stauffer compte naturellement poursuivre dans un doctorat.
Mais son aversion pour les langues le rattrape: «J’ai très vite remarqué que je devais très bien parler l’anglais. Mais mon gros défaut, ce sont les langues étrangères. J’ai eu la pire moyenne d’allemand du canton de Vaud à la Matu.» Sans l’anglais, il ne peut s’engager dans un doctorat. Il tombe sur une annonce pour un poste d’enseignant assistant en chimie à la Florida International University, aux États-Unis. Il postule: «Deux semaines plus tard, le Professeur Margot m’appelle et me demande si je veux partir. Je lui réponds que je dois réfléchir. Il me dit que je dois répondre maintenant, car j’ai obtenu la place et il a l’Université américaine sur l’autre ligne. J’ai dit oui. Ça allait être un changement de vie radical.»
Eric Stauffer s’envole en juillet 1999 pour la Floride. Il y restera deux ans. À l’issue de son master américain, il effectue 86 postulations aux États-Unis et décroche un poste à Atlanta en tant que criminaliste spécialisé dans les enquêtes sur les incendies et l’analyse des débris d’incendie: «C’était un rêve. En tant qu’enquêteur incendie, j’ai pu gagner en expériences à la fois sur le terrain et dans les laboratoires.» Eric Stauffer poursuivra dans une autre entreprise jusqu’en 2006. La réélection de Georges W. Bush à la présidence en 2004 contrecarre le rêve américain. Les conditions pour les expatriés se compliquent. Eric Stauffer rentre en Suisse.
De retour, il devient premier assistant en traces digitales à l’Université de Lausanne, puis gagne la police militaire tout en reprenant sa fonction de pompier volontaire. En 2010, Eric Stauffer devient le Chef du Commissariat d’identification judiciaire de la Police cantonale Fribourg: «Je me suis beaucoup plu à Fribourg. C’était un beau service, une belle police avec de belles affaires. Mais entre ma fonction de pompier volontaire (500-800 h/an) et celle de commissaire de police, ça devenait compliqué à gérer au niveau privé.» Eric Stauffer postule donc en 2015 au poste de commandant du Service de défense incendie et secours régional du Nord vaudois (SDIS), à Yverdon-les-Bains. Il peut ainsi conjuguer son engagement au SDIS le jour et sa passion pour les pompiers volontaires les soirs et les week-ends.
Un agenda de ministre qui l’a obligé à mettre un terme à sa carrière dans la police scientifique. Non, sans regrets: «Il ne faut jamais regarder en arrière, mais j’avoue que la science me manque: «Le poste de commandant d’un SDIS régional et la direction de 230 personnes est une expérience humaine incroyable, mais les affaires criminelles et les sciences me manquent régulièrement. Le compromis parfait n’existe pas. C’est impossible de faire du 50/50, car ce sont des métiers passion qui exigent tellement de connaissances et de mises à niveau.» Eric Stauffer a bien tenté de remettre un pied dans l’académique en débutant un doctorat sous l’égide du Professeur Olivier Ribaux, «mais c’est compliqué de tout mener de front.»
A bientôt 50 ans, Eric Stauffer n’enterre pas pour autant son rêve de devenir Professeur d’Université et d’achever un jour un doctorat: «J’ai toujours été attiré par le milieu académique et l’enseignement dans une discipline alliant recherches et expériences du terrain. L’École des sciences criminelles a toujours été active dans la recherche appliquée, ce qui nous permet de sortir des laboratoires. Mais le problème de l’opérationnel, c’est que vous n’avez plus le temps de faire de la recherche. Ce temps-là, je l’ai pris aux États-Unis, dans l’écriture en 2007 de Fire Debris Analysis avec Julia Dolan et Reta Newman.» Un livre qui fait désormais autorité dans son domaine.
Reste donc la relève, avec ses deux enfants âgés de 11 ans et 14 ans. Les deux sont engagés dans les jeunes sapeurs-pompiers régionaux du Nord vaudois. Si la cadette hésite encore, le grand prend gentiment le chemin de la Faculté de Droit. Un autre point commun avec son papa, qui termine un Master en administration publique à l’Idheap.
Lausanne, le 10 mars 2025
Article de Mehdi Atmani, Flypaper
Portrait d’Eric Stauffer © Felix Imhof