Une serial entrepreneure
Son conseil pour tout ceux qui veulent se lancer : savoir qui on est, et ce qui nous motive à être entrepreneur·e. Portrait d’une serial créatrice de projets qui n’a pas froid aux yeux. Dominique Bourqui, diplômée de FDCA (Droit) 2006.
Enfant, quel était le métier de vos rêves?
Entrepreneure. Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours eu un esprit entrepreneurial. Déjà à l’adolescence quand j’ai créé, avec quelques amis, une chaîne de télévision «Canal 5» à Nyon. Nous étions, à l’époque, passionnés par le monde de l’image et trouvions qu’il manquait une chaîne de télévision locale. Nous avons donc pris contact avec les services industriels de la ville et leur avons exposé notre projet. Ils ont mis un canal à notre disposition et nous ont fait confiance. Pour le matériel, nous avons eu recours à de l’autofinancement et évidemment aux 3F: Friends, Family and Fools*.
La chaîne était diffusée sur le téléréseau de Nyon. Nous réalisions–quand l’actualité le permettait–un journal télévisé avec des reportages, des interviews et des micros-trottoirs mais nous couvrions surtout les activités culturelles de la région (Paléo Festival, concerts sur l’arc lémanique, activités théâtrales). Nous avions notre propre studio dans le carnotzet des parents de l’un d’entre nous et invitions aussi des personnalités du monde médiatique romand à l’enregistrement de nos émissions.
Quel est votre job actuel?
Je suis active sur deux fronts: la production audiovisuelle et radiophonique d’un côté et mon activité de coaching et consulting de l’autre.
Vous avez choisi d’étudier à la Faculté de FDCA (Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique) en section de Droit, par vocation, poussé par vos parents, pour faire comme vos amis?
Mue par un fort sentiment de justice et d’équité, le droit me semblait, à l’époque, la meilleure voie pour poursuivre cet idéal. Et j’ai également été encouragée par mes parents.
Votre état d’esprit au moment de l’obtention de votre diplôme?
J’imagine une forme de soulagement et de vide à la fois. La fin d’une étape: un parcours de formation et le début d’une nouvelle étape qui durera jusqu’à l’âge de la retraite: la vie professionnelle avec les choix, changements d’orientation et rebondissements qu’elle offre.
Que s’est-il passé par la suite?
J’ai écouté mon instinct et j’ai suivi la voie de l’entrepreneuriat qui m’est apparue comme une évidence. Je ressentais depuis toujours le besoin d’être indépendante et libre. Je suis donc sortie de la voie tracée–juriste d’entreprise, brevet d’avocat ou magistrature–pour utiliser mes connaissances juridiques dans la création de mes différentes structures en Suisse et à l’étranger: droit des sociétés, droit commercial, droit fiscal, droit des obligations, droit du travail, droits d’auteurs et même comptabilité.
Après l’obtention de mon Doctorat, je suis restée fidèle à mes amours de jeunesse et ai cofondé ma première société de production dans les médias avec mes deux associés actuels Michael Muller et Eric Dussart: Swissmadprod (www.swissmadprod.ch). Nous étions fascinés par le monde des médias car ils permettent d’informer, de transmettre des messages, de raconter des histoires, de faire voyager, rêver et apprendre. Nous avions le goût du contenu et du support: la voix et l’image, et avions évidemment une bonne dose de créativité.
Concrètement, nous développons des concepts ou du contenu d’émissions de télévision et de radio clé en main en France et en Suisse, que nous réalisons et vendons aux différents diffuseurs. Comme par exemple: «Les plus Glams» et «Les 50 clips les plus nazes sur TF6» (TF1 et M6) ou «Dussart surveille la Télé» (France4), «Ca va le Chalet ?» (RTS), «Mika and Co» (Rouge TV) et «Y a le feu au Lac» (Léman Bleu).
Nous avons produit du contenu radio pour France Inter et France Bleu, et depuis plusieurs années pour RTL, en quotidienne, dans le cadre de l’émission «A la Bonne Heure» de Stéphane Bern. Depuis septembre 2016, nous avons notre propre émission bihebdomadaire sur RTL: «On refait la télé» et «On fait la télé», animée par Eric Dussart (1.2 mio d’auditeurs par semaine). Et depuis janvier 2017, nous collaborons en quotidienne avec la Chaîne d’information LCI et son émission la «Médiasphère».
Depuis la création de ma première société, j’ai eu l’occasion de travailler sur un projet de création d’une chaîne de télévision innovante et interactive en France (click to know et click to buy), et suis également associée à d’autres projets entrepreneuriaux. Cela m’a naturellement amené à fonder BFCC coaching and consulting en 2015 (www.bfcc.ch), où j’accompagne des client·e·s dans le cadre de leurs projets entrepreneuriaux, professionnels ou de vie. L’entreprise est dédiée à l’entre- et l’intra-preneuriat**, aux start-up, ainsi qu’à toute personne désirant développer son propre potentiel et son esprit entrepreneurial pour devenir «entrepreneur·e de sa vie».
Ayant appris l’entrepreneuriat sur le tas, j’ai eu l’occasion de me sentir très seule. Je me suis rendu compte que l’entrepreneuriat repose beaucoup sur l’expérience et sur un état d’esprit (mindset). J’ai donc souhaité–à travers ma compagnie de coaching et consulting–partager cette expérience sur le «comment créer et faire vivre et survivre son entreprise» en devenant une sparring-partner***. J’interviens comme une personne extérieure avec qui réfléchir sur des enjeux professionnels et personnels. J’aide mes client·e·s à se connecter à leur propre potentiel, à développer son état d’esprit et/ou son esprit entrepreneurial et à développer des stratégies de succès qui n’avaient pas été envisagées.
Je pense que j’ai opté pour le « serial entrepreneuriat » parce que je suis d’un tempérament curieux et passionné, détestant la routine. C’est probablement en partie grâce à la rédaction de ma thèse de Doctorat que j’ai appris à travailler de manière autonome et indépendante. Le Business Development au sens large, par les multiples occasions d’apprentissage qu’il induit, satisfait à ma curiosité et par les nombreux défis toujours différents qu’il implique, offre une vie sans routine. Certes stressante, mais sans routine!
Avec le recul, la leçon que je tire de mon parcours est qu’il aurait été beaucoup plus facile de me faire accompagner et de ne pas devoir tout apprendre par moi-même avec les inévitables erreurs et pertes de temps et d’argent que cela génère. L’entrepreneuriat a certes une composante théorique mais tout ne peut pas s’apprendre dans les livres. C’est un métier. Il faut se frotter au monde réel, raison pour laquelle il est plus qu’utile de se faire aider et conseiller par des professionnel·le·s dans les différentes étapes de la création et de la vie de sa société.
A titre personnel, j’ai tenu le coup parce que je ne me décourage pas facilement, que je suis persévérante et que j’ai appris à être résiliente. J’ai aussi toujours été soutenue moralement par mes associés, ma famille, mon conjoint et mes amis. C’est important. La vie d’une entreprise est jalonnée de doutes. Le sentiment le plus persistant chez tout·e entrepreneur·e est l’incertitude. On sort des sentiers battus, on a une idée brillante, un projet passionnant, une solution innovante et on peut planifier et optimiser toute une série de choses, mais on n’a aucune garantie de succès. Pour surmonter le doute, il faut croire en son projet, en ce qu’on fait et en sa capacité à réussir. Il faut avoir la «foi entrepreneuriale».
En étant entrepreneur·e, j’accepte une dose de risque supérieure à la moyenne puisque par essence l’issue d’à peu près tout ce que je fais reste incertaine. Il n’y a pas de garantie, pas de trajectoire tracée. L’objectif est de prendre un risque mesuré. Avoir un sparring-partner permet notamment de discuter objectivement de ses décisions et d’éliminer une partie du stress qui nous accompagne en essayant de réduire l’incertitude au maximum.
Si c’était à refaire, que changeriez-vous ?
Durant mes études, j’essayerais d’obtenir un stage dans une start-up durant les vacances pour appréhender l’univers de l’entrepreneuriat et m’assurer que la manière de travailler, le rythme et l’ambiance de travail me correspondent.
Je ne ferais pas tout toute seule, je chercherais des mentors dans mon entourage, des experts qui sont passés par là et peuvent me conseiller. Je participerais aux nombreux évènements proposés depuis quelques années pour permettre aux entrepreneurs de réseauter et d’échanger. J’essayerais de me frotter le plus tôt possible au monde de l’entrepreneuriat et de me créer un réseau solide dans cet univers.
Avec tout ça, je continue à créer de nouvelles choses. Je travaille actuellement sur trois projets : le premier, assez ambitieux, dans les médias avec Swissmadprod, le deuxième, au sein d’un groupe de huit coachs à Berlin visant à développer un nouveau service encadré de coaching peer to peer pour le marché allemand, et enfin le troisième, qui est un projet personnel d’écriture sur l’entrepreneuriat, à moyen terme.
Mon conseil si vous voulez vous lancer, c’est de commencer par répondre aux questions fondamentales suivantes: Qui suis-je? Pourquoi l’entrepreneuriat? Quel type d’entrepreneur·e je souhaite devenir? Qu’est ce qui me motive dans le fait d’être entrepreneur·e (développer mon idée, adresser un problème, innover, rendre le monde meilleur)? Ensuite, lancez-vous!
*3F = Amis, famille et fous.
**L’intrapreneuriat est une démarche d’entrepreneuriat à l’interne, qui consiste à développer des compétences entrepreneuriales dans le cadre d’un emploi salarié. Disposant de liberté et de soutien financier, l’intrapreneur est en charge de développer de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouveaux systèmes sans devoir suivre les protocoles habituels en place dans l’entreprise pour laquelle il travaille. (Dominique Bourqui)
***Sparring-partner = Partenaire d’entraînement. Personne qui est là pour vous tester.
Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 15 mai 2017

