André Locher

Collectionneur d’images

« Le monde est tellement plus intéressant quand vous êtes curieux », André Locher, passionné de physique et d’astronomie, ayant côtoyé Claude Nicollier, encourage les diplômés de l’UNIL à « oser ». Interview exclusive pour le réseau Alumnil.

Sur les rayons scintillent les reliures dorées de milliers de livres. Nous sommes dans la bibliothèque du Château d’Oron, réputée pour sa riche collection de romans. «Ma pièce favorite…», murmure André Locher, le regard malicieux. Il ne fait pas plus de 7 degrés mais un rayon de soleil illumine un magnifique divan de velours rouge. «Quand je serai vieux, je viendrai m’enfermer ici pendant quelques jours», révèle l’auteur de Châteaux et vestiges de Suisse occidentale (Ed. Favre).

Richement illustré par ses soins, le guide touristique paru en mars présente une sélection de 138 bâtisses, forteresses et demeures anciennes. Une passion qui anime le physicien depuis son adolescence. «A 16 ans, je menais déjà les visites guidées du Château d’Oron.» Nous emboîtons le pas à notre hôte qui gravit, quatre à quatre, les escaliers qui mènent au donjon. A travers une meurtrière, il pointe du doigt sa villa. «J’ai une vue imprenable sur ces vieilles pierres.»

En 1997, André Locher lance son site swisscastles.ch. «Je souhaitais créer quelque chose autour du Château d’Oron et me suis vite rendu compte qu’il fallait élargir.» Aviateur et photographe, il commence à documenter, de haut, le territoire suisse. Pilotant d’une main et, de l’autre, photographiant à travers la fenêtre de son Piper Archer II. Sa caverne d’Ali Baba renferme aujourd’hui plus de 54 000 clichés, collectionnés au fil de ses 900 heures de vol. «Et encore, ce ne sont que les vues aériennes», s’empresse-t-il d’ajouter fièrement. Avant l’arrivée des drones, la vente de ses images couvrait une partie des heures de vol. Il continue aujourd’hui à piloter au gré de ses envies, «pour laisser les soucis au sol et accéder à une liberté totale». A presque 64 ans, le président de l’Association pour la conservation du Château d’Oron n’est pas près de raccrocher. Il y a trois ans, il décolle de La Blécherette avec un ami –celui qui l’avait initié à l’aviation il y a près de trente ans– le temps d’un week-end à Prague. Cette année, il prévoit des voyages à San Francisco, Oslo et en Sardaigne avec son épouse. «Là je prends easyJet comme tout le monde», lance-t-il en rigolant.

Né à Bâle en 1952, André Locher débarque à Oron à l’âge de 6 ans. Il ne parle pas un mot de français. «A la fin de l’année, le président de la commission scolaire a mentionné dans son discours que j’avais des 10 partout. J’étais très gêné vis-à-vis de mes camarades…», se souvient-il. Une facilité qui le mènera naturellement au gymnase puis à l’UNIL, où il entame des études de physique en 1971. «Je louais une chambre à 100 fr., sans eau chaude, et utilisais les douches publiques de la gare, se remémore-t-il. Et nous n’étions que trois étudiants en licence! J’ai gardé contact avec la moitié d’entre eux», ajoute-t-il le sourire aux lèvres. Son moment favori: les travaux pratiques d’astronomie. A l’époque, l’assistant n’était autre que Claude Nicollier.

Jusqu’à sa retraite en 2011, André Locher a travaillé en tant qu’enseignant de physique, mathématiques et informatique, puis doyen de gymnase. Parallèlement, il a géré une Raiffeisen pendant quatorze ans, rédigé plusieurs ouvrages et assuré, entre autres, la vice-présidence de l’Association des châteaux vaudois. «Il faut simplement oser se lancer!»


LES QUATRE QUESTIONS ALUMNIL

Votre lieu préféré à l’Université durant vos études?

Nous étions la seconde volée d’étudiants à fouler le sol du collège propédeutique (Amphipôle, ndlr) en 1971, puis les premiers à intégrer le nouveau bâtiment de physique (Cubotron, ndlr). Nous mangions dans des baraquements de chantier et, tout autour, il n’y avait que des champs de blé! Si je devais choisir un lieu, ce serait certainement l’un des laboratoires de physique. On y faisait un tas d’expériences. C’est ce que j’ai aimé durant mes études: les maths à haute dose, cumulées au côté pratique et expérimental de la physique.

Le cours/séminaire où vous retourneriez demain?

Dans le cadre de la licence, j’ai choisi trois certificats: astronomie, physique quantique et physique du solide. De l’infiniment tout petit à l’infiniment immense… J’adorais surtout les travaux pratiques d’astronomie, plus précisément les sorties à l’observatoire de Sauverny, près de Genève. Nous passions des nuits entières à scruter le ciel. A l’époque, l’assistant n’était autre que Claude Nicollier.

Votre devise préférée?

«Il faut oser.» J’ai osé être prof et banquier en même temps. J’ai osé piloter, écrire des bouquins…

Un conseil aux étudiants actuels?

Je les encouragerais à sortir de leur spécialisation et garder l’esprit ouvert. Je n’aurais jamais souhaité être uniquement enfermé dans la physique. Le monde est tellement plus intéressant quand vous êtes curieux.

Témoignage à retrouver dans le n°63 d’Allez savoir!

Article de Mélanie Affentranger
Photo: © Christophe Chammartin