Vie et mort des princesses de Savoie

Comment vivait-on au Moyen Âge quand on était comtesse ou duchesse? Un ouvrage richement illustré raconte ces vies de femmes dans l’opulence de la Maison de Savoie.

Prisée de l’aristocratie, la chasse est pratiquée par certaines femmes comme Marie de Bourgogne. Détail tiré de : Henri de Ferrières, Livres du roy Modus et de la royne Ratio, vers 1491-1498. © Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 168, f. 79r (e-codices.ch)

Les sources comptables révèlent la richesse de la Maison de Savoie du XIIIe au XVIe siècle. D’autres traces demeurent: châteaux, églises, objets de luxe, livres, testaments, peintures, vitraux… Le reste, il faut tenter de l’imaginer à la lecture de ces lignes limpides de Fanny Abbott et de Nathalie Roman, respectivement historienne et historienne de l’art.

Art de vivre gracieux

Les femmes de la Maison de Savoie cultivent un art de vivre gracieux et pieux où il s’agit de lire (pour les plus instruites), de prier, de se vêtir à la mode, de chasser (pour les plus audacieuses), d’avoir une activité musicale, de s’aérer au jardin en compagnie d’un animal, de jouer aux échecs («une métaphore de l’amour courtois en raison de sa codification très précise») ou encore de commander des œuvres d’art. Le paradis? Pas tout à fait. D’abord, il s’agit d’enfanter et c’est alors toujours dans la douleur, souvent au prix même de sa vie comme les malheureuses Sybille de Bâgé (morte à 39 ans), Béatrice de Portugal (à 34 ans) et Yolande de Montferrat (à 24 ans). Les époux meurent fréquemment assez jeunes, eux aussi, si bien qu’une Marguerite d’Autriche vieillira seule (elle mourra à 50 ans) après la perte de son mari, Philibert II de Savoie, qui meurt alors qu’ils n’ont tous deux que 24 ans ; dans son grand chagrin qu’elle fait immortaliser en peinture, elle ira jusqu’à commander en sa mémoire l’édification du Monastère royal de Brou, un ensemble architectural et religieux très réputé aujourd’hui encore, où se trouve le tombeau fastueux de cette princesse.

Ce livre magnifiquement illustré donne à voir plusieurs éléments de la vie et de la mort de ces femmes, dont certaines doivent se battre pour pouvoir gouverner à la place d’un époux absent, malade ou décédé, ou de fils trop jeunes. La loi dite salique n’est pas du côté des femmes, qu’elle écarte de la succession dynastique…

Finalement cet ouvrage à la fois savant et grand public invite à voir ou revoir des lieux comme Chillon, bien entendu, ou Ripaille (Bonne de Bourbon y a fait construire le premier château) ou encore l’Abbaye de Hautecombe (fondée par l’évêque Amédée de Lausanne avec le comte Amédée III de Savoie), où repose Marie de Bourgogne, venue vivre à 17 ans en Savoie avec Amédée VIII (la promesse de mariage avait été signée alors qu’elle n’avait que trois mois et lui trois ans). Elle aimait beaucoup la harpe, jouait aussi de l’orgue, pratiquait la vénerie et la fauconnerie et mourut à l’âge de 36 ans après avoir mis au monde neuf enfants…

Vies de princesses ? Par Fanny Abbott et Nathalie Roman. Fondation du Château de Chillon (2021), 99 p.

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