«Si je randonne en montagne, ce n’est pas pour le plaisir de marcher, mais pour trouver et photographier tel ou tel oiseau. Je ne suis pas un grand sportif!» s’amuse Lionel Maumary. La vie de ce Lausannois est rythmée par les battements d’ailes du milan royal et des fauvettes. L’ornithologue, jumelles autour du cou, nous accueille à Préverenges au bord du Léman, en face de l’Île aux oiseaux, devenue presqu’île artificielle, toute de sable et de roseaux, classée réserve naturelle. Elle sert d’aire de repos aux migrateurs à plumes, qui parcourent des milliers de kilomètres entre l’Afrique et les pays nordiques. Un projet que Lionel Maumary a mené à bien en 2002, avec ses compères Laurent Vallotton et Michel Baudraz et le soutien de la Confédération et des privés, en réaction au bétonnage des bords du lac et au drainage de 95% des marais suisses, «qui a entraîné la disparition de certains oiseaux, comme le courlis cendré».
«La passion des oiseaux m’a pris assez vite», raconte le biologiste, qui préside le Cercle ornithologique de Lausanne depuis 1990 et qui étudie pour le bureau Ecoscan, ainsi qu’en indépendant, l’impact de projets notamment éoliens sur l’avifaune et les chauves-souris. Il est né en juin 1968 à Bussigny. «Le canari de ma mère volait librement à la maison. Dès qu’elle m’a posé dans le berceau, il est venu se percher au-dessus de moi. Ça m’a sans doute imprégné», sourit l’ornithologue, qui a passé son enfance entre Lausanne et les États-Unis avec ses parents, sa sœur et son frère. A six ans, il apprivoise un rouge-gorge. «Enfant, je sauvais les larves de salamandres avant qu’elles ne se fassent emporter par les crues et je capturais des tortues aquatiques et des poissons pour les photographier puis les relâcher», se rappelle cet autodidacte en photo animalière.
«Pour photographier la gent ailée, il faut surtout connaître la bête et se faire oublier.» Le diplômé en biologie à l’UNIL (en 1996) ne compte pas ses heures à l’affût pour trouver la perle rare. «Le monde s’accélère mais moi, je passe mon temps à observer les oiseaux, glisse-t-il. Ils ont tout pour eux: la grâce, la légèreté, l’endurance. Cette combinaison de fragilité et de force m’impressionne. Regardez les lagopèdes alpins, qui survivent à -60 degrés. »
Lionel Maumary nous passe sa longue vue pointée sur la presqu’île: un cormoran sèche ses ailes au soleil et un grèbe huppé, à la fière petite coiffe, glisse sur l’eau. L’expert tient à transmettre sa passion, que ce soit par la création de la station de baguage d’oiseaux au col de Jaman (Préalpes vaudoises) en 1991, via l’ouvrage Les Oiseaux de Suisse paru en 2007, ou encore grâce à ses chroniques dans la revue Nos Oiseaux. Il organise depuis plus de vingt ans des virées ornithologiques, les Birdline Tours (birdline.ch/blt): des excursions d’un jour en Suisse et des voyages à l’étranger, du delta du Danube à l’île de Sakhaline en Russie en passant par le Sénégal. «J’étais en Éthiopie en novembre. Je n’en suis pas encore revenu», confie le passionné, qui y a observé 477 espèces en deux semaines. En comparaison, il en a relevé plus de 230 en tout sur l’île. Dont un flamant rose solitaire et le premier pluvier fauve de Suisse.
Lionel Maumary est en train de plancher sur la conception de nouveaux biotopes près de l’île, comme un nouvel étang, ainsi que sur la création de la Maison de l’Île aux oiseaux, futur centre pédagogique. La relève ornithologique semble-t-elle assurée? «Parfois, des mamans m’amènent leur enfant et me disent qu’elles ne savent plus que faire de leur petit qui ne parle que d’oiseaux», sourit-il. / Noémie Matos
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