Ennemi de l’autoritarisme, esprit cosmopolite, Benjamin Constant (1767-1830) a défendu la liberté et la tolérance en des temps tourmentés. Sa trajectoire fait l’objet d’une biographie passionnante, nourrie de documents inédits, sous la plume alerte de Léonard Burnand, doyen de la Faculté des lettres.
Le 12 décembre 1830, les funérailles de Benjamin Constant rassemblent 150 000 personnes dans les rues de Paris. Une telle ferveur n’est pas banale. Il faut dire que c’est un personnage doublement célèbre que l’on inhume ce jour-là: un membre de la Chambre des députés, ardent défenseur des libertés individuelles, et l’auteur du roman Adolphe, «idole de la jeunesse romantique», comme l’a indiqué aux médias Léonard Burnand, professeur à la Faculté des lettres et auteur d’une biographie récente de Benjamin Constant.
Pour employer un euphémisme vaudois, ce n’était pas tellement bien parti pour Benjamin Constant. Le 10 novembre 1767, soit deux semaines après sa naissance à Lausanne, sa mère meurt des suites de l’accouchement. Qui était Henriette de Chandieu? L’un des mérites du livre de Léonard Burnand réside justement dans le portrait qu’il trace de cette femme de grande culture, hantée par la mort. Sa personnalité complexe nous apparaît pour la première fois, grâce notamment à une centaine de lettres inédites mises au jour par l’auteur.
La jeunesse de Benjamin Constant, enfant d’une grande précocité, est marquée par de nombreux voyages en Europe. Le «rouquin facétieux», comme le qualifie Léonard Burnand, brille à l’université mais perd beaucoup aux jeux d’argent, ce qui n’arrangera pas ses relations avec son père Juste, son soutien financier.
Bien entendu, la biographie, au style vivant, consacre une place importante à l’engagement politique de Benjamin Constant. En 1795, ce jeune mais ambitieux inconnu débarque à Paris dans le sillage de l’une des personnalités les plus en vue du continent, Germaine de Staël, dont il est l’amant. Au fil des pages, Léonard Burnand nous replonge dans le bouillonnement d’idées qui caractérise cette époque tourmentée, de la Révolution à la Restauration, en passant par l’Empire. Si ses actions n’ont pas toujours collé à son nom de famille, Benjamin maintient un cap, celui de la liberté. Ennemi de la guerre de conquête et de l’autoritarisme, ses attaques contre Napoléon résonnent de manière particulière aujourd’hui. Plume redoutable, il lutte pour la tolérance religieuse et contre la censure, ce qui en fait une personnalité toujours d’actualité.
Enfin, bien qu’il soit directeur de l’Institut Benjamin Constant, Léonard Burnand ne cache pas sous le tapis les versants moins glorieux de son personnage. Après tout, de son temps déjà, l’auteur d’Adolphe suscitait des avis tranchés.