A table avec Monika Salzbrunn, anthropologue et sociologue, professeure ordinaire à la Faculté de théologie et de sciences des religions.
Spécialiste des migrations, Monika Salzbrunn incarne elle-même l’hyper-mobilité. Allemande parfaitement francophone, sans cesse entre la Suisse – où elle dirige à l’UNIL l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines et l’Observatoire des religions en Suisse – et le Japon, la Finlande, le Sénégal ou encore New York, Istanbul et Paris, où elle entraîne dans son sillage sa fillette de bientôt 3 ans, l’anthropologue cumule vingt ans d’expériences internationales sur le terrain et dans les universités.
«Istanbul était plus cosmopolite au XIXe siècle. La mobilité est un phénomène aussi vieux que l’humanité, mais on invente un passé national pour justifier la fermeture ou le repli sur soi, et construire la soi-disant homogénéité d’un peuple. C’est le cas en Turquie aujourd’hui mais la tendance concerne aussi d’autres pays comme la France ou la Suisse. Or, dans les faits, nous vivons à l’ère de la super-diversité», soutient-elle. Dans une récente étude comparant la région de la Ruhr et Istanbul, The Economies of Urban Diversity (Palgrave), elle explore avec deux collègues l’espace urbain sous ses formes multiples et constate que les Turcs quittent l’Allemagne davantage qu’ils n’y viennent. Monika Salzbrunn bouscule les clichés. «Le solde migratoire des Suisses est négatif, dû à la forte émigration. En même temps, les nouveaux venus des quatre coins du monde rendent le pays de plus en plus cosmopolite.»
Selon elle, on assiste à une «diversification de la diversité» avec des immigrés – des femmes pour moitié – offrant des profils professionnels, générationnels, juridiques très variés. Dirigeant deux projets FNS sur les ressources digitales et culturelles des Tunisiens après le Printemps arabe – en Suisse et en Tunisie – et sur l’islam (in)visible en Suisse romande et France voisine, Monika Salzbrunn s’intéresse aux pratiques témoignant d’une diversité historique, culturelle et sociologique bien plus grande qu’on ne l’imagine si l’on se penche sur le seul discours de l’islam visible et organisé au sein des mosquées (lui-même complexe, mais pas forcément représentatif).
Au plus près des événements biographique, artistique, carnavalesque, politique qui font sens pour les acteurs sociaux, la socio-anthropologue vient de publier un livre intitulé Vielfalt/Diversität (transcript) pour introduire à ce concept et à son application. Elle prépare en outre les actes d’un colloque interfacultaire sur «L’événement en religion» (Presses universitaires de Rennes). Selon cette perspective, les événements permettent d’observer et d’analyser les liens commu-nautaires. Pour le printemps 2015, elle envisage un cours de master sur la «transnationalisation» culturelle et religieuse à travers l’art et la musique. Il s’agit des «pratiques mouvantes qui s’alimentent des expériences de circulation».
Monika Salzbrunn tisse des liens entre les cultures, un art bien utile pour contrecarrer les réactions de fermeture et de peur.
Un goût de l’enfance
Les petits gâteaux de Noël de ma mère, chefs-d’œuvre esthétiques et gustatifs.
Une ville de goût
Istanbul pour la magie du lieu, mais aussi Kyoto et le Lyonnais, autant de voyages pour le palais et les yeux…
Qui invitez-vous?
Les voisins, pour que l’étranger cesse d’être cet inconnu qui arrive aujourd’hui et qui reste demain (clin d’œil à Georg Simmel).