Lorenzo Tomasin a quitté Venise avec toute sa famille pour s’installer au bord de l’eau, à Ouchy. Il enseigne l’histoire de la langue italienne à la Faculté des lettres.
Italien atypique, protestant converti, le professeur Lorenzo Tomasin se sent bien à Lausanne, où il s’est installé avec sa femme et leurs deux enfants de 4 et 7 ans. «La petite est un génie, elle va déjà à l’EPFL», s’amuse le jeune père en route vers l’une des garderies du campus. Il a 39 ans, l’âge du nouveau chef du Gouvernement italien, le Florentin Matteo Renzi. Vénitien, philologue et historien de la langue, Lorenzo Tomasin a été vice-recteur de l’Université Ca’ Foscari au bord de la lagune. Depuis bientôt deux ans, il a choisi une vie de chercheur à l’UNIL et s’apprête à inaugurer en 2014-2015 un cours de master en Philologie romane avec deux collègues des sections d’espagnol et de français médiéval.
«La France a progressivement négligé cette grande discipline afin de se concentrer sur la francophonie, oubliant les relations du français avec d’autres langues et cultures proches. Dans une approche transversale, j’aimerais faire découvrir aux étudiants de l’UNIL l’histoire partagée des langues romanes, qui ont pour mère le latin. Les francophones craignent davantage l’asymétrie dans la communication et préfèrent s’exprimer dans la même langue que leur interlocuteur. Pour ma part, je privilégie le système de l’intercompréhension, où chacun parle sa propre langue», évoque l’historien. Il comprend bien l’espagnol, a plus de mal avec des langues périphériques comme le roumain et le portugais, «faciles à lire cependant». Il ne se sent pas encore parfaitement à l’aise en français – une simple question de temps – et s’amuse à écouter ses enfants jongler avec les langues en Suisse et regarder des dessins animés… en allemand.
L’Italie déploie une grande richesse linguistique due aux différents dialectes encore vivaces aujourd’hui. L’italien standard descend du florentin médiéval. En explorant les archives de Venise, Lorenzo Tomasin a découvert récemment les mots d’une veuve poursuivie pour dettes et s’offusquant des rumeurs lancées contre la supposée mauvaise vie de son fils. Un rare document en «vulgaire», le dialecte vénitien du Moyen Age en l’occurrence. Car la matière privilégiée par l’historien ne se trouve pas chez Dante, Pétrarque ou Boccaccio, mais dans les écrits populaires, administratifs, historiques.
Avec «Venice Time Machine», un projet initié par les humanités digitales UNIL-EPFL sous le label CROSS, Lorenzo Tomasin a lancé avec son collègue Frédéric Kaplan un ambitieux programme destiné à développer un moteur de recherche, permettant aux chercheurs d’accéder avec des mots clés à des documents immergés dans une énorme quantité de manuscrits numérisés.
Cette collaboration avec l’Archive de l’Etat de Venise devrait à terme permettre de digitaliser tous les manuscrits administratifs et historiques des origines médiévales de la République de Venise à sa fin en 1797. Pour l’heure, l’ordinateur travaille à séquencer les règlements et les lois civiles des XIIIe et XIVe siècles déjà numérisés et édités par Lorenzo Tomasin.
Le professeur n’hésite pas à s’adresser au grand public dans une chronique culturelle qu’il rédige pour le journal économique Il Sole 24 Ore à Milan.
Un goût lié à votre enfance?
Le Strudel exceptionnel de ma grand-mère, qui ne peut pas être répliqué car elle ne peut pas revenir…
Une ville de goût?
Une île dans la lagune de Venise, Mazzorbo, où l’on mange du poisson en observant la pêche des oiseaux à la surface de l’eau et le profil de l’église de Torcello.
Avec qui partager un repas ?
Avec un ou une inconnue pour découvrir sa personnalité en bavardant.