Faire l’histoire des Jeux olympiques n’est pas simple. Il faut parfois ruser avec la doxa officielle. Patrick Clastres interroge cette aventure mondiale avec rigueur et talent.
Les Jeux de Paris sont déjà loin. Les prochains pas encore d’actualité! Reliant 1892 à 2024, le livre de Patrick Clastres, professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques, tombe à pic pour faire le point, en toute sérénité, sur une institution unique en son genre.
Un monde en soi imaginé par Pierre de Coubertin autour du sport et de la paix, un monde qui entend bien imposer à l’extérieur l’image d’une stabilité et d’une permanence à toute épreuve. Même les Jeux qui n’ont pas eu lieu restent donc pris en compte dans le décompte global. Résultat, les Jeux de Paris 2024 sont étiquetés XXXIIIe olympiade, alors que ceux de 1940 et 1944 n’ont pas eu lieu pour cause de Seconde Guerre mondiale. De la même manière, le CIO continue à parler des Jeux de Tokyo 2020, bien qu’ils aient eu lieu en 2021, en raison de la pandémie de Covid-19.
Construit de façon chronologique, le livre passe en revue les différentes éditions des Jeux olympiques d’été à travers des thématiques spécifiques. Il relève un point de bascule dans les années 70 où l’on passe d’un premier âge «occidental, élitaire et conservateur» à un deuxième plus résolument «mondial, populaire et commercial».
Conservatisme
Au fil des ans, le conservatisme du CIO et ses affinités avec les régimes forts, voire dictatoriaux se confirment. De même qu’un certain opportunisme. Régie par ses propres règles et réussissant à imposer sa loi aux pays qui l’accueillent, l’institution olympique a néanmoins cédé quand certains États ont refusé «d’intégrer des compétiteurs dans leurs délégations nationales pour des motifs religieux ou racistes». C’est ainsi que les athlètes juifs furent exclus de l’équipe austro-allemande en 1936 et que l’Arabie saoudite a réussi, en 2012, à imposer des aménagements vestimentaires pour ses sportives ainsi que leur «chaperonnage» dans les zones de mixité.
Place des femmes
Les Jeux olympiques de 1892 à 2024 est un ouvrage que l’on peut parcourir à sa guise, au gré de ses envies. En s’intéressant, par exemple, à l’évolution de la place des femmes dans les compétitions. «L’idéal coubertinien de “l’athlète mâle individuel” a d’abord empêché, puis longtemps freiné la mixité de genre aux Jeux olympiques», précise à ce propos l’auteur. Il faudra attendre 1948 pour qu’elles aient accès au 800 mètres, 1984 pour le marathon, et 2012 pour la boxe. Elles auront en outre l’obligation de prouver leur appartenance au sexe féminin. Quant aux hommes, la natation synchronisée leur sera fermée jusqu’en… 2024.
