Tout ce que vous pouvez donner pour sauver des vies

Tout ce que vous pouvez donner pour sauver des vies

Le manque d’organes destinés à la transplantation est devenu un problème global. Voici donc tout ce que vous pouvez faire, à votre échelle, pour sauver des vies. Le point à l’occasion du 14 octobre, déclaré Journée mondiale consacrée au manque d’organes et de tissus.

Sur le Vieux Continent, c’est devenu une tradition: la Journée européen-ne du don d’organes et de la transplantation, organisée le 14 octobre, en est déjà à sa septième édition. Mais la manifestation prend de l’ampleur puisque, pour la première fois cette année, elle est étendue au monde entier. Preuve, s’il en fallait, que le manque d’organes destinés à la transplantation est devenu un problème global.

D’un côté, un nombre insuffisant de donneurs. De l’autre, des besoins qui ne cessent de croître. Tous les pays industrialisés sont confrontés à ce même casse-tête et la Suisse ne fait pas exception à la règle. En 2004, seuls 412 des 1130 malades en liste d’attente ont été transplantés; 43 sont décédés faute d’avoir reçu le rein, le cœur ou tout autre organe dont ils avaient besoin pour recouvrer la santé.

Malgré les campagnes d’information régulièrement organisées à ce sujet, la situation ne s’améliore guère et l’offre reste toujours très en deçà de la demande. Comment l’expliquer? «Le don d’organe est un sujet délicat, répond Manuel Pascual, chef de service du Centre de transplantation d’organes (CTO) du CHUV. On dit toujours qu’il faut en discuter avec ses proches, mais relativement peu de familles en parlent, car c’est un thème difficile.»

Un autre problème tient au vieillissement de la population: «Beaucoup de donneurs potentiels ne deviennent pas des donneurs effectifs, car ils sont trop âgés, ou présentent des co-morbidités ou ont des antécédents de maladies graves. On assiste donc actuellement à un changement dans la population des donneurs d’organes.»

En fait la pénurie conduit parfois à «pousser les limites de l’acceptation des donneurs dits «marginaux».

La Suisse à la traîne

Malgré cela, notre pays fait figure de mauvais élève en Europe. «La Suisse appartient au groupe de pays qui sont à la traîne», reconnaît le responsable du CTO. L’année dernière, elle comptait environ 13 donneurs par million d’habitants – à égalité avec l’Allemagne – contre 21 en France, en Italie, au Portugal, en Autriche et en Irlande, et surtout 35 en Espagne!

Pourtant, lorsqu’on les interroge sur leur attitude en la matière, comme l’a fait récemment Peter Schulz, de l’Université de Lugano, les Suisses sont, dans leur majorité (57%), favorables au don d’organes – bien que seuls 16% possèdent une carte de donneurs. Et, remarque l’auteur de l’enquête, «les personnes de langue française ont une attitude plus positive».

Le Tessin bon donneur

Les francophones ont donc de bonnes intentions. Mais la réalité est tout autre lorsqu’il s’agit de passer à l’acte en plaçant une carte de donneur dans son porte-monnaie ou en informant sa famille de sa volonté de devenir donneur. Dans la pratique, les dons sont trois fois plus nombreux au Tessin (37 par million d’habitants, d’après les statistiques de Swisstranplant pour 2004) qu’en Suisse romande et alémanique (respectivement 13 et 11 par million d’habitants).

Est-ce une simple question de mentalité? Manuel Pascual y voit l’influence de personnalités locales. Le mérite en revient «en bonne partie à deux médecins tessinois, très impliqués dans la transplantation et le don d’organes, et qui ont beaucoup fait pour susciter des discussions dans la population et pour informer leurs concitoyens». Le plus surprenant dans l’affaire, c’est que le canton n’abrite pas de centre de transplantation.

Quant à montrer du doigt la Suisse alémanique, le responsable du CTO s’y refuse: «Les comparaisons sont difficiles. Notre pays est petit et les chiffres sur lesquels on travaille le sont aussi; il faut donc être prudent lorsque l’on interprète les statistiques. Cela dit, le Tessin a démontré, ces dernières années, qu’il a un pourcentage de dons d’organes supérieur au reste du pays. Cela suggère donc que l’on peut faire mieux en Suisse.»

Le modèle espagnol

Tout le monde en convient, il faut améliorer la situation. Mais comment? Les résultats du modèle espagnol, qui suscitent l’admiration de Manuel Pascual, pourraient fournir d’intéressantes pistes de réflexion. «En dix ans, les dons d’organes y ont été multipliés par quatre.»

Pourtant, on aurait pu croire qu’un pays à majorité catholique aurait été plus réticent que d’autres face aux transplantations et aux dons. Cela n’a pas empêché les autorités, à commencer par le Ministère de la santé, de prendre le problème à bras-le-corps, en agissant simultanément sur trois fronts. «Les Espagnols ont modifié leur organisation en mettant en place un système efficace à un triple niveau: national, régional et local.»

Le pays a aussi alloué au don d’organes des ressources importantes et il a joué la carte de l’information. Ses efforts ont été couronnés de succès.

La Suisse pourrait s’en inspirer. Car le responsable du CTO en est convaincu: «Pour améliorer la situation, il faut absolument travailler sur ces trois fronts – organisation, information, ressources.» Il faudrait aussi mieux coordonner les énergies. «Swisstransplant fait un important travail, de même que les diverses fondations et associations, publiques ou privées – notamment la FSOD (Foundation to support organ donation), dont le siège est au CHUV. L’idéal serait de renforcer les synergies entre tous ces groupes qui poursuivent un but commun.»

Cela suffira-t-il? L’exemple espagnol permet d’en douter: si le problème de la pénurie d’organes a perdu de son importance dans ce pays, il n’a pas été totalement résolu pour autant. «Quoi que l’on fasse, conclut Manuel Pascual, le besoin ne cesse d’augmenter.»

Elisabeth Gordon

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