A coup de pierre, de marteau et de… pistolet, la chercheuse a cassé une centaine de vitres pour en analyser les fragments. Explications.
Vous avez déjà rêvé de vous passer les nerfs en faisant voler en éclats une vitre? Docteur ès sciences forensiques de l’Université de Lausanne et chercheuse du FNRS (Fonds national suisse de la recherche scientifique), Tacha Hicks Champod s’est offert le luxe d’en briser une centaine. Pas pour se défouler, mais pour les besoins de sa thèse.
Généreusement sponsorisée par une vitrerie, elle s’est attaquée aux vitres à coup de pierre, de marteau et de… pistolet, avec l’aide, dans ce dernier cas, de Frédéric Schütz. But de l’opération? Apprendre à interpréter les éclats, faire parler les fragments.
«Comparer des fragments de verre, c’est relativement facile, explique la chercheuse. Entre l’indice de réfraction et l’analyse élémentaire, on arrive à distinguer la majorité des verres parce que les éléments qui les composent ne sont presque jamais présents dans les mêmes proportions.»
D’où vient le verre trouvé sur le pull d’un suspect?
Ce qui est nettement moins évident, c’est l’interprétation des résultats d’analyses effectuées sur des fragments de 0.2 mm. Concrètement, comment être sûr que les minuscules particules de verre retrouvées sur le pull d’un homme suspecté d’avoir commis un cambriolage proviennent du bris de la baie vitrée ou sont le fruit du hasard?
«La réponse est d’autant plus difficile que le suspect peut être appréhendé plusieurs heures après avoir commis son délit», précise Tacha Hicks Champod. Elle a donc fait une étude avant tout statistique (eh non, une thèse ne se résume pas qu’à la partie jouissive de briseur de vitres) pour identifier les éléments dont il faut tenir compte au moment d’évaluer la probabilité des indices.
Un répertoire d’indices
La chercheuse a ainsi pu mettre au point une sorte de répertoire d’indices de probabilité, qui reflète la variété des facteurs déterminants et peut être utilisé à peu près dans tous les cas de figure. Un travail reconnu à l’étranger, moins en Suisse où les microtraces ne sont pas encore exploitées à leur maximum.
Tacha Hicks Champod n’a pas renoncé pour autant à sa marotte, l’interprétation des données incomplètes. Elle travaille aujourd’hui à l’Université de Lausanne avec un financement du FNRS et essaie d’établir un outil statistique comparable, mais pour l’interprétation cette fois des traces d’ADN trop dégradées pour être utilisées directement dans la base de données nationale. La même démarche donc, mais sans marteau ni pistolet.
Sonia Arnal