Semeur d’idées vertes

La spontanéité et la simplicité de Fabien Fivaz, biologiste et conseiller national Vert neuchâtelois, se perçoivent sitôt l’interview-vidéoconférence entamée. Dans sa cuisine, en T-shirt noir, le Chaux-de-Fonnier évoque son parcours avec détails et un brin d’humour. Son élection en décembre 2019 a chamboulé la vie de ce père de deux enfants, auparavant député au Grand Conseil neuchâtelois (2009-2019) et conseiller général à la Chaux-de-Fonds (2005-2009). Il ne travaille plus qu’à 10% au Centre suisse de cartographie de la faune (CSCF), chargé d’établir les listes rouges d’espèces menacées, et se consacre depuis chez lui à ses deux Commissions (de la politique de sécurité, et de la science, de l’éducation et de la culture), lorsqu’il ne siège pas à Berne pour une session parlementaire. Le jeune quadra se plonge à fond dans des «sujets variés, passionnants», comme l’intelligence artificielle dans l’armée ou la précarité des postes de chercheurs dans les Hautes Écoles. 

Fabien Fivaz. Diplôme en biologie à l’Université de Neuchâtel (2002). Travail final réalisé au Département d’écologie et évolution de l’UNIL. © Pierre-Antoine Grisoni / Strates

Fan de grimpe et de ski 

Esprit curieux et scientifique, le natif de la cité horlogère a étudié la biologie à l’Université de Neuchâtel. Passionné par les interactions entre les êtres vivants et leur milieu, il réalise son travail de diplôme à l’Université de Lausanne avec le professeur Jacques Hausser du Département d’écologie et évolution, sur la génétique des populations de musaraignes en Valais. «En été, je partais seul à la montagne pour marquer des individus.» Un terrain rêvé pour cet énergique fan de grimpe et de ski. «Selon la loi, je devais relever les pièges toutes les six heures. Je me levais la nuit pour les inspecter à la lampe de poche, il y en avait 200. Je me faisais vite repérer avec mon bus UNIL, cela a mené à des rencontres insolites avec les villageois.» Après ses études, il tente le service militaire. «Déprimant!», lance le biologiste aussi formé en statistiques. Il préfère son expérience de civiliste au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, puis au CSCF, où il est engagé en 2006.

Ne jamais lâcher 

Déjà avant ses études, Fabien Fivaz causait politique avec ses amis au bistrot et manifestait contre des Sommets tels que le G8. «J’ai gardé mon pin’s anti-FA18 de mes 14 ans», sourit-il. En 2003, l’élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral pousse le militant à entrer dans l’arène politique sous la bannière écologiste.

Quel bilan le cofondateur du parti des Jeunes Verts de son canton tire-t-il de ses dix-huit ans de politique? «Pas mal de défaites! Mais je ne me décourage pas. Je lance des idées en espérant que d’autres partis les récupèrent. Les prises de conscience et les petites victoires qui en résultent me motivent.» Par exemple en 2013, lui et ses collègues Verts neuchâtelois lancent l’alerte sur un projet de forage au Val-de-Travers, dont une exploitation de gaz de schiste qui aurait pollué les eaux potables. «D’abord, on a passé pour des guignols. Puis, des mouvements citoyens se sont créés et d’autres politiciens se sont emparés du sujet.» 

En janvier 2021 est votée l’interdiction d’exploiter les hydrocarbures dans le canton. «Une victoire incroyable!» Et pour la suite, qu’espère le politicien, agacé par l’inertie fédérale face au déclin de la biodiversité? «Un vrai dialogue entre protecteurs de la nature et promoteurs des énergies renouvelables. Sinon, rien n’avancera.»


Quatre questions au sujet de l’UNIL

Votre lieu préféré à l’UNIL durant vos études ?

Au Laboratoire d’écologie et de zoologie animale à l’époque (situé au Biophore), nous travaillions à cinq dans une pièce à l’étage du bas, vraiment sombre, qu’on appelait « le purgatoire ». Nous vivions avec les néons allumés en plein jour et c’était particulier ! Sinon, j’aimais bien me balader au bord du lac. Et de façon générale, j’ai toujours apprécié l’ambiance du campus EPFL et UNIL, il donne envie d’étudier.

Le cours ou séminaire où vous retourneriez demain ?

Étant donné que je me rendais à l’UNIL uniquement pour y réaliser mon travail de diplôme, je n’y ai pas suivi de cours. En revanche, je participais à des séminaires imposés à midi. Des chercheurs venaient y présenter leur projet. J’ai trouvé ces séances très intéressantes. Nous pouvions discuter de notre recherche et de nos résultats avec d’autres personnes, dont des professeurs, qui prodiguaient conseils et suggestions d’amélioration. L’émulation, l’échange d’idées qui se produisent lorsque des dizaines de chercheurs travaillent ensemble est passionnante. Les chercheurs les plus productifs sont les plus connectés aux autres. La vision du scientifique un peu fou, qui fait ses découvertes seul dans sa tour d’ivoire, est dépassée.

Votre devise préférée ? Aucune idée ! Je n’en n’ai jamais eu…

Un conseil à donner aux étudiant·e·s actuel·le·s ?

Là, j’en ai plein ! Un étudiant qui veut être brillant doit se lancer dans ce qu’il a envie de faire. La mentalité générale de «quel job en faisant telles études puis-je réussir à avoir ?» m’énerve. D’ailleurs, les gens autour de moi travaillent dans des domaines souvent très différents de ce qu’ils ont étudié. Moi le premier, je suis devenu Conseiller national, alors qu’avant, je coupais les doigts des musaraignes! Qui l’aurait cru? Autre recommandation, continuer de se former toute sa vie. Car on peut être très vite dépassé. La formation ne s’arrête pas avec le Master. C’est bien de rester curieux. Personnellement, j’adore découvrir des tas de nouvelles choses, même si parfois ça ne me sert à rien (rires).

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