Vice-doyen de la Faculté des géosciences et de l’environnement, Eric Verrecchia milite pour une meilleure qualité de vie. Dans tous les domaines…
Deux heures devant soi pour décrocher et discuter, c’est le luxe. «?L’aptitude à la recherche de pointe est à son maximum entre 30 et 45 ans?; vers 50 ans on élargit la vision, on est enclin à la synthèse, on devrait déposer des corequêtes avec un junior, et prendre du temps pour écrire des livres destinés aux étudiants. Mais le système est devenu fou. Tout le monde présente des projets de tous les côtés pour un montant limité, il faut assurer la critique de toutes ces publications, c’est le règne de la quantité. Le prof est un passionné, il appartient à la science, à ses étudiants, il se donne sans compter et ça tient, mais la bulle va exploser?», prévient Eric Verrecchia, attablé à la jolie Brasserie du Grand-Chêne, à Lausanne.
Il plaide pour un retour à la sérénité et une meilleure répartition des fonds de la Confédération, à travers le FNS notamment, qu’il faudrait «?mettre au service des universités?». En ce moment, il a déposé deux projets, l’un européen sur la transformation du gaz carbonique en carbonate de calcium via certains arbres et l’amélioration, grâce à ce calcaire, des sols tropicaux acides en Bolivie, au Cameroun ou encore à Madagascar?; et l’autre, sur le plan suisse, pour étudier le temps de résidence du carbone dans les sols en remontant jusqu’au début de l’Holocène, cette période post-glaciaire des derniers 10?000 ans. «?On refait le film, autrement dit l’histoire du stockage naturel du CO2, car il y a beaucoup à apprendre de la nature elle-même?», explique ce passionné de la zone critique. «?Il s’agit d’une zone définie entre le sommet des nappes phréatiques et la cime des arbres?», explique-t-il.
L’histoire des profondeurs et celle de la surface sont liées par la tectonique des plaques?; des minéraux se transforment et se forment à l’air libre, des éléments comme le fer, le carbone, le phosphore connaissent différentes phases et le vivant joue un rôle clé dans ces métamorphoses qui se jouent en surface. Conclusion?: «?La biogéochimie permet la plus belle recherche du monde.?» Précision aussi?: «?Le vivant a besoin du minéral, le calcium par exemple?; la vie attaque les minéraux mais en crée aussi de nouveaux. Entre le vivant et le minéral, c’est une histoire passionnelle.?»
Avant d’arriver à l’UNIL, en 2008, avec son équipe de l’Université de Neuchâtel et le Master en biogéosciences, qui reste délivré par les deux institutions, le professeur Verrecchia a exploré la dynamique du carbonate de calcium dans le désert israélien du Néguev pour son doctorat en géologie, passé en France l’agrégation en géographie et effectué un parcours exemplaire comme chercheur au CNRS, puis à l’Université de Gand. Ce Français qui se plaît en Suisse revendique son engagement à gauche, dans la tradition syndicaliste de sa famille établie à Paris pour fuir le fascisme en Italie. Il lui arrive encore de s’étonner de l’angélisme helvétique. Et là, il se réjouit de rencontrer Susan Brantley, la «?papesse de la zone critique?», docteure honoris causa de l’UNIL le 31 mai prochain.
Un goût de l’enfance
La pizza de ma grand-mère faite à la main avec une sauce tomate mijotée.
Un repas de fin du monde
Coquilles Saint-Jacques, puis filets de perche et purée de pommes de terre et patates douces sous un gratin de fromage avec une fondue de poireaux, une part de fromage de Citeaux (j’ai mon fournisseur à Dijon) et une part de cheese-cake que fait mon épouse en dessert, sans oublier deux vins d’exception.