Comment redonner du sens à la vie lorsque la maladie vient bouleverser tous les repères? Voici la question
à laquelle les accompagnants en milieu de santé doivent répondre. À leur intention, une formation est proposée conjointement par la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL et l’aumônerie du CHUV. Ce cursus tombe à pic, dans un contexte où le personnel hospitalier dispose de moins en moins de temps pour écouter les patients et leurs proches.
Lancé en 2017, le Certificate of Advanced Studies (CAS) «Accompagnement spirituel en milieu de santé» répond au besoin de professionnaliser ce type d’interventions réalisées aux côtés des équipes soignantes. La formation en est à sa troisième édition et la prochaine session se déroulera de septembre 2022 à juin 2023.
Construite en cinq modules, elle a été pensée pour aider les étudiants à s’approprier au mieux la matière sur le terrain: les stages représentent en effet 320 heures sur un total de 520. «C’est une singularité de ce CAS, qui est probablement le seul à laisser autant de place à la pratique», souligne Mario Drouin, responsable de la formation et de l’enseignement au service Aumônerie du CHUV et coordinateur scientifique de ce CAS.
Le vaste espace donné à cette dimension ne doit rien au hasard: avant la création de ce CAS, les intervenants suivaient un «Clinical Pastoral Training» (CPT) qui existait au CHUV depuis une vingtaine d’années et misait entièrement sur le «Learning by doing». Or, le CHUV a souhaité que cette formation devienne diplômante – ce qui est impossible à l’interne. L’établissement voulait en outre la rendre accessible à des externes qu’il ne pouvait accepter dans son enseignement – psychologues, personnes travaillant avec les migrants ou dans le domaine des addictions, par exemple. Autant de raisons qui l’ont amené à prendre contact avec l’UNIL en 2016. Les deux institutions ont œuvré de concert pour mettre sur pied un CAS comprenant de la théorie tout en maintenant le solide ancrage dans la pratique qui constituait le cœur du CPT. «Nous avons tenu à préserver la confrontation au terrain, aux patients, au travail à réaliser avec eux, parce que nous sommes convaincus que c’est précisément ce qui permet aux étudiants de mieux intégrer les notions théoriques», souligne Mario Drouin.
Au plus près des besoins
«Ce contact direct est aussi, pour eux, l’occasion de mesurer à quel point la société est variée dans sa spiritualité – qui n’est pas forcément liée à une pratique religieuse. Il permet de comprendre à quel point les besoins changent d’une personne à l’autre. Et de mesurer combien il faut aller vite, car les séjours à l’hôpital se prolongent rarement au-delà d’une semaine, sauf pour les patients qui reviennent régulièrement, par exemple pour une chimiothérapie ou une dialyse», rappelle Pierre-Yves Brandt, professeur de psychologie de la religion à l’UNIL et directeur du CAS. Ces rencontres permettent également de déterminer qui doit bénéficier d’un accompagnement. Suivant le contexte, il peut s’agir du patient, mais aussi de ses proches – notamment dans le cas des maladies dégénératives ou en néonatologie –, voire les deux parties, comme en soins palliatifs.
Travail en tandem
Depuis son lancement, la formation a évolué pour mieux répondre à toutes ces questions, incluant par exemple des simulations jouées par des acteurs. Et cette année, le 4e module s’est étoffé d’une partie consacrée aux observations. Ce sont désormais des tandems étudiant-mentor qui se rendent sur le terrain et s’observent mutuellement lors des entretiens avec les bénéficiaires. «Nous avons craint dans un premier temps que les apprenants se contentent de copier les enseignants, mais ces duos renforcent les liens au sein du tandem et suscitent l’émulation», se félicite Mario Drouin.
Naissance d’une nouvelle profession?
La crise sanitaire aurait-elle fait émerger un besoin particulier de se former à ces pratiques? «Nous n’avons pas attendu le Covid pour nous demander comment accompagner au mieux les malades », sourit Mario Drouin. Et de rappeler que l’écoute fait depuis toujours partie des tâches et de la vocation des infirmières qui, à l’origine, étaient majoritairement des religieuses. La professionnalisation de ce métier est allée de pair avec sa sécularisation. Quant à l’écoute, elle n’a cessé de perdre du terrain dès le moment où le geste et le temps consacré à effectuer celui-ci ont pris le pas sur tout le reste. « Le travail des accompagnants spirituels, qui s’inscrit dans cette tradition et aident les gens à situer ce qui leur arrive dans une perspective longue, est désormais fondamental », souligne Mario Drouin.
D’autant que la pluralisation de la société vient encore compliquer les choses. « Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’existe plus de référent commun permettant d’interpréter le monde. En Suisse, les couples et familles mixtes sont devenus la norme. Comment savoir à partir de quelle tradition approcher un patient à l’hôpital? Quel est son rapport au soin? À la maladie? À la mort? Des questions éthiques se posent en outre – qu’est-ce qui est autorisé à chacun en matière de soins, de traitements?» rappelle Pierre-Yves Brandt.
Face à toutes ces évolutions, Mario Drouin s’interroge: «S’agit-il encore vraiment d’une formation continue ou plutôt d’une spécialisation? Ou une nouvelle profession est-elle en train d’émerger?»
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