Alors que l’UNIL accueille, le 20 mai prochain, le traditionnel Forum des 100 organisé par le magazine «L’Hebdo», un groupe de chercheurs lausannois travaille à une monumentale biographie collective des élites en Suisse au XX e siècle. Regards croisés sur «ces personnalités qui comptent».
Aujourd’hui, elles s’appellent Doris Leuthard, Ernesto Bertarelli ou Nicolas Hayek. Voici un siècle, on parlait des Sulzer, des Schmidheiny et de Georg Fischer. Tout au long des XIXe et XXe siècles, les élites suisses ont joué un rôle central dans la construction du pays en se distinguant par la concentration de leurs pouvoirs, économiques, politiques et militaires.
De ces élites, on a pu dire qu’elles formaient une «société fermée», le fameux «Filz helvétique», très critiqué depuis la faillite de Swissair, mais aussi après les excès des grandes banques et la gestion maladroite des crises à répétition que traverse le pays (crise économique, attaques sur le secret bancaire, affaire Kadhafi, etc…).
Les élites suisses n’ont jamais été étudiées de manière systématique
De ces élites, curieusement, aucune étude systématique n’avait été réalisée jusque-là. Pour combler cette lacune, un groupe de la Faculté des SSP de l’UNIL en a entrepris la prosopographie – c’està- dire la biographie collective – pour le XXe siècle. Ce travail colossal, débuté au printemps 2007 et financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), s’achève cet automne. Il a permis de dresser une base de données de plus de 14’000 noms.
«L’objectif, expliquent Thomas David et André Mach, est d’une part de mieux comprendre la manière dont les élites des différentes sphères de la société – économie, politique et administration – interagissent entre elles, et, d’autre part, de dresser un portrait collectif de ces personnalités. » Ceci en pointant cinq dates repères qui couvrent les grandes étapes du siècle: 1910, 1937, 1957, 1980 et 2000.
Les élites culturelles, médiatiques et académiques attendront
«A l’origine, nous voulions aussi prendre en compte les élites culturelles, notamment médiatiques et académiques. Mais vu l’ampleur de ce travail, nous avons reporté cette étude à moyen terme.»
Cette recherche trouve un écho singulier dans une mode bien actuelle: les «rankings» et autres «listings» de «leaders», établis régulièrement par de grands médias américains comme «Fortune» et «Forbes». Un phénomène qui touche également la Suisse, avec des titres comme «Bilanz», «Bilan» et «L’Hebdo».
Ce dernier a ainsi créé un Forum des 100 qui désigne et rassemble depuis cinq ans les «100 personnalités qui font la Suisse romande», et dont l’édition 2010 se tiendra dans les murs de l’UNIL, le jeudi 20 mai.
1 – Qui sont nos leaders: des «élites» ou des «personnalités» qui comptent?
Les 100 désignés par «L’Hebdo» sontils différents des 14’000 recensés par le groupe de recherche de l’UNIL? Quelles distinctions peut-on faire entre les élites d’hier et les «personnalités» qui comptent au XXIe siècle? «Allez Savoir!» a posé la question aux chercheurs.
«Le mot «élite» est une notion difficile à saisir, car très normative, prévient André Mach. Il renvoie à l’idée de personnalités dotées de qualités supérieures à la moyenne, ce qui leur conférerait «de facto» une sorte de droit de décision sur l’économie, la politique ou la vie sociale.»
L’élite, c’est devenu négatif
«Cependant, «L’Hebdo» n’utilise jamais le terme d’élite, souligne Thomas David, ni dans ses textes ni dans les conférences du Forum des 100, dont nous avons parcouru les archives sur le site du magazine. «L’Hebdo» et ses invités parlent toujours de «personnalités». Il y a vingt ans, le mot «élite» aurait été employé, mais le terme a pris une connotation négative.»
Pour échapper à cette connotation, le groupe de recherche de l’UNIL a défini des critères de sélection plus objectifs: les positions de pouvoir occupées par des élites dans les différentes sphères: la politique, l’économie et l’administration.
En politique, l’équipe a retenu les membres du Conseil fédéral, du Parlement fédéral, ainsi que les membres des comités directeurs des partis nationaux et des exécutifs cantonaux.
Les élites économiques
Pour les élites économiques, cette recherche se concentre sur les membres des comités directeurs des sept principales organisations économiques faîtières: Economie Suisse, l’Union patronale suisse, l’Union suisse des arts et métiers (USAM), l’Union suisse des paysans (USP), l’Association suisse des banquiers (ASB), l’Union syndicale suisse (USS) et la Confédération des syndicats chrétiens.
En parallèle, l’équipe de l’UNIL a retenu les noms des dirigeants des 110 plus grandes entreprises suisses, à savoir les membres du conseil d’administration et les directeurs exécutifs.
Dernier groupe étudié, les élites administratives: les hauts fonctionnaires fédéraux, les trois directeurs généraux de la Banque nationale suisse, les directeurs d’office et secrétaires de département ainsi que les membres du Tribunal fédéral.
Des élites de milice qui se cooptent
L’intérêt du cas suisse, soulignent les chercheurs de l’UNIL, réside dans l’importance du principe de milice (en particulier pour la politique et l’armée) qui favorise les cumuls de fonctions dans plusieurs sphères sociales. Même si cette forme de concentration de pouvoir a perdu de son importance au cours du XXe siècle, il est encore fréquent aujourd’hui de trouver des conseillers nationaux qui occupent des fonctions dirigeantes dans l’économie et sont aussi officiers supérieurs à l’armée.
«La démarche de «L’Hebdo» est très différente de la nôtre, souligne André Mach, car elle n’a pas de but scientifique. Ses critères de choix ne sont mentionnés nulle part, et semblent assez subjectifs. Les différentes catégories choisies en 2009 illustrent cet arbitraire: «leaders », «espoirs et éminences grises», «icônes et aventuriers», «artistes et provocateurs », etc.
Les chercheurs de l’UNIL observent cependant que l’objectif de «L’Hebdo» est surtout de valoriser une région et les personnalités qui l’incarnent. Pourtant, malgré tout ce qui sépare les deux démarches – académique et médiatique – la première a beaucoup à dire sur la seconde.
2 – Où se retrouvent les élites? Du Rotary Club au Forum des 100
«Ce qui nous a frappés dans notre recherche, c’est l’analyse des lieux de sociabilité des élites, note André Mach. Autrement dit, les cadres dans lesquels les élites se rencontrent.» Pour le XXe siècle, l’équipe en identifie trois principaux: les sociétés d’étudiants, l’armée, et, plus récemment, le Rotary Club. Aujourd’hui, poursuit Thomas David, «ces lieux de repères traditionnels sont en perte de vitesse. Et peut-être «L’Hebdo» prendil le relais en créant un lieu de rencontre», de «réseautage», comme le dit volontiers le rédacteur en chef du magazine.
L’époque des officiers membres du Rotary Club
«Jusque dans les années 1980, beaucoup de gens de notre échantillon sont encore officiers à l’armée et membres du Rotary Club, note André Mach. Le point commun entre le Rotary et l’état-major de l’armée est qu’on y entre par cooptation. L’autre similitude est que ces deux organisations ont longtemps exclu les femmes. Ceci explique en partie pourquoi cette catégorie est si minoritaire dans nos statistiques.» Le déclin de ces lieux de sociabilité traditionnels expliquerait aussi le succès actuel des «rankings » et autres forums médiatiques.
«L’idée de dresser de telles listes n’est toutefois pas une invention récente, rappelle Thomas David. Dans les années 1930-1940, des syndicalistes et des intellectuels de gauche le faisaient pour mieux dénoncer le milieu. Un certain Pollux, alias Georges Bähler (1895-1982), a rédigé des études sur l’interdépendance de l’économie, de la finance et de la politique en Suisse. Dans un ouvrage publié en 1945, il soulignait que la Suisse était gouvernée par 200 familles, principalement des vieilles familles aristocratiques et patriciennes. Aujourd’hui, cette intention critique se renverse. Il s’agit bien plus de promouvoir les élites.»
L’époque des listes des 100 plus riches
Dans la presse suisse, le magazine «Bilanz» est le premier à s’être lancé à la fin des années 1980 avec sa liste des 100 plus riches. «Mais la liste de «Bilanz», on l’a oublié, avait créé la polémique, rappelle André Mach, car, dans cette démarche, il y avait une volonté de transparence sur un critère objectif: la fortune. La démarche de «L’Hebdo», elle, ne se concentre pas sur l’argent, mais sur la réussite dans tous les secteurs (politique, économique, culturel, sportif, etc.). Elle vise aussi un autre objectif: promouvoir le titre et le positionner comme le défenseur de la Suisse romande.»
3 – Devenues people, les élites sont plus visibles. Sont-elles plus transparentes?
La recherche sur les élites en Suisse révèle leur goût traditionnel pour une certaine discrétion. «Dans les années 1930-1960, la presse et les revues publiaient certes des portraits de personnalités, mais l’objectif était différent, rappelle Thomas David. On le faisait à l’occasion de jubilés, d’anniversaires, ou pour célébrer une réalisation particulière. Les nécrologies, fréquentes à l’époque, étaient aussi d’excellente qualité et bien documentées sur les origines, la formation, les parcours et réalisations des élites.» Pour les historiens, ces textes demeurent un outil de travail très précieux.
Aujourd’hui, la presse élit les élites
«Autrefois, la presse rendait hommage aux élites, résume Thomas David, aujourd’hui, elle les élit.» «L’Hebdo» parle d’ailleurs explicitement de «lauréats». «Cette mise en valeur, cette autopromotion sans actualité particulière et sur un ton hagiographique, est un phénomène nouveau», observe André Mach.
Du point de vue du contenu, les portraits du Forum des 100 «nous apprennent peu de chose pour notre objet d’étude», note Thomas David. «Rien ou si peu sur les conditions et les circonstances de leur réussite. On a l’impression que ces élites ne doivent leur succès qu’à leurs qualités personnelles. On perd ainsi de vue que beaucoup sont partis avec certains avantages dans la vie. Je ne doute pas de leurs mérites, loin s’en faut, mais les mécanismes de reproduction que sont la formation scolaire et professionnelle, la fortune familiale, les réseaux et les institutions, ont joué un rôle important dans la carrière de ces personnes.»
Les chercheurs restent donc perplexes sur le sens de cette ellipse: s’agit-il là d’une volonté éditoriale ou d’un contrôle que les élites imposent sur leur image? «D’un certain côté, il y a un dévoilement de ces personnalités. Mais d’un autre côté, l’essentiel n’apparaît pas», estime Thomas David. Ceci renouerait avec le goût pour la discrétion des élites qui, «à l’ère des «people», exhibent pour mieux cacher».pas de leurs mérites, loin s’en faut, mais les mécanismes de reproduction que sont la formation scolaire et professionnelle, la fortune familiale, les réseaux et les institutions, ont joué un rôle important dans la carrière de ces personnes.»
4 – Quelle place pour les femmes dans les élites?
La liste dressée par «L’Hebdo» estelle représentative des élites actuelles? «C’est difficile à dire, car les critères de sélection sont très différents des nôtres», répond Thomas David. Quelques points de comparaison, tout de même: commençons par la proportion de femmes. «Dans la liste de «L’Hebdo», nous en avons recensé 32 %. C’est une proportion bien supérieure à celle que nous avons calculée selon nos critères.»
22 % en politique, 7% en économie
Pour l’an 2000, l’équipe de recherche de l’UNIL recense environ 10 % d’élites féminines en moyenne dans ses listes: 22 % en politique, 7% en économie et 8% dans l’administration. Conclusion des chercheurs: «Les critères médiatiques tendent à minimiser les inégalités réelles entre hommes et femmes, même si, en particulier dans la sphère politique, la proportion de femmes a connu une progression certaine depuis 1971, date de l’introduction du droit d’éligibilité des femmes sur le plan fédéral.»
La part globale de femmes parmi les élites serait certainement plus élevée si l’étude prenait en compte – comme «L’Hebdo» aujourd’hui – les élites culturelles, sportives et médiatiques. Mais la recherche dans ces sphères-là reste à faire.
Notons tout de même que cette progression des femmes en politique se traduit, en 2010, par la présence spectaculaire de trois femmes au sommet du pouvoir politique helvétique: une présidente de la Confédération, Doris Leuthard (PDC, Argovie), une autre femme à la tête du Conseil des Etats, Erika Forster (radicale, Saint-Gall), et une troisième élue au perchoir du Conseil national, Pascale Bruderer (socialiste, Argovie).
Ainsi, à ce jour, le Conseil fédéral compte trois femmes sur sept membres (43 %), le Conseil national en compte 29 %, et le Conseil des Etats, 21,7 %.
5 – Quelle place pour les militaires et les sportifs dans les élites suisses?
Les chercheurs de l’UNIL ont encore été frappés par l’absence de gradés parmi les 100 choisis par «L’Hebdo». «Le nom de Christophe Keckeis y figure, mais c’est l’exception, note André Mach. Il y a encore 20 ou 30 ans, le grade militaire était un élément très valorisé par les élites elles-mêmes. Par exemple, Philippe De Weck, ancien directeur de l’UBS et membre de l’état-major, a pu déclarer dans les années 1980 que l’armée avait été son école de management. La diminution de gradés traduit à l’évidence une rupture de la place de l’armée dans la société.»
Il y a 40 % de gradés dans les élites de l’an 2000
«Mais ceci ne veut pas dire que l’influence de l’armée a disparu, tempère Thomas David. Pour l’année 2000, notre étude montre qu’elle joue encore un rôle important, avec 40 % de gradés dans notre liste. Seulement voilà, cet attribut n’est plus mis en avant.»
A l’inverse, le sport est une sphère de pouvoir autant que de sociabilité qui prend de l’ampleur en Suisse. Et qui a pris un véritable essor à la fin du XXe siècle. Vu la période étudiée pour cette recherche, les historiens ne s’y sont pas ou peu intéressés.
La liste de «L’Hebdo» traduit, en revanche, la montée en puissance de ces nouvelles élites, en tenant compte de la présence à Lausanne du Comité international olympique (CIO) et d’innombrables fédérations sportive internationales basées dans la capitale vaudoise, sans oublier l’Union des associations européennes de football (UEFA) installée à Nyon. Un monde toujours plus étroitement lié aux sphères politiques et économiques, et toujours plus influent, semble-t-il.
6 – Quelle place pour les étrangers dans les élites suisses?
Les différentes listes des 100 de «L’Hebdo » donnent l’impression d’un grand cosmopolitisme au sein des élites en Suisse, au XXIe siècle. Sur ce point, la recherche de l’UNIL donne raison au magazine «bon pour la tête». «Depuis les années 1990, on observe une internationalisation des conseils d’administration dans les grandes entreprises, où le taux d’étrangers a fortement augmenté», confirme Thomas David.
En business class, la Suisse connaît une ouverture record
Dans les années 1980, ce taux était inférieur à 4 %. En l’an 2000, il avoisine 25 %. Une étude montre même que les étrangers représentaient, en 2005, quelque 40 % des membres de directions générales. «De tous les pays européens, la Suisse est celui où l’internationalisation des élites est la plus forte parmi les grandes sociétés.»
Pour autant, «ce phénomène n’est pas nouveau, rappelle Thomas David. Avant 1914, les élites en Suisse étaient déjà fortement internationalisées. Le nombre d’étrangers dans les conseils d’administration y était supérieur à celui de 1980. On oublie trop souvent le caractère exceptionnel de la mondialisation de l’économie, à la veille de la Première Guerre mondiale.»
Le grand départ des élites allemandes
A cet égard, l’internationalisation actuelle n’est qu’un retour à la situation qui prévalait à la fin du XIXe siècle. Les deux guerres mondiales et la crise des années trente marquent en quelque sorte une période de «déglobalisation». En effet, durant la Première Guerre mondiale et les années 1920, la place financière helvétique s’est autonomisée par rapport à la France, et surtout par rapport à l’Allemagne, la stabilité politique et économique de la Suisse contrastant alors avec les difficultés rencontrées par ses voisins.
«Le retrait des entreprises et sociétés financières allemandes, très présentes en Suisse avant la Première Guerre mondiale, et l’essor des grandes banques suisses se sont traduits par le départ des administrateurs étrangers et leur remplacement par des représentants de l’élite suisse.»
Le grand retour des élites étrangères
«Cette «nationalisation» ne signifie pas que les élites helvétiques se sont repliées sur elles-mêmes, précise Thomas David. Bien au contraire, elles ont continué à entretenir des relations économiques étroites avec les pays voisins. Toutefois, les étrangers étaient alors moins nombreux à siéger dans les entreprises helvétiques. Il a fallu attendre les années 1980, et surtout 1990, pour que cette internationalisation redevienne significative, et pour que le nombre d’administrateurs étrangers soit comparable à la situation d’avant 1914.»
7 – Appartient-on encore aux élites de père en fils?
La Suisse des élites industrielles a donné naissance à des lignées d’entrepreneurs. Comprendre l’évolution des grandes familles sur le siècle, et leur dépassement à l’ère du capitalisme financier, c’est le thème du doctorat de Stéphanie Ginalski, membre de l’équipe de recherche de l’UNIL.
Les grandes familles alémaniques
La chercheuse a analysé une trentaine d’entreprises de l’industrie des machines au XXe siècle, en scrutant pour chaque période le degré de contrôle familial de l’entreprise (fonctions dirigeantes, part des actions). «La plupart de ces familles sont alémaniques, relève Stéphanie Ginalski, car, à l’époque, le coeur de l’industrie suisse se situait à Saint-Gall pour le textile, à Zurich pour l’industrie mécanique, et à Bâle pour la chimie.»
La composition des organes dirigeants des organisations patronales révèle aussi l’évolution des différentes branches économiques. «Vers 1900, l’industrie textile est encore très présente, mais, assez vite, elle est remplacée par les représentants de l’industrie des machines, puis des industries électrotechniques, chimique et pharmaceutique. C’est alors l’époque triomphante des Sulzer, Georg Fischer et Schmidheiny.»
Bobst, Suchard, Pictet, Lombard, Hentsch…
Il y a peu de familles romandes dans l’industrie des machines, à l’exception notable de Bobst, présente dans le canton de Vaud. En Suisse romande, on retrouve aussi l’industrie chocolatière – avec Suchard par exemple – et bien sûr les lignées de banquiers privés, Pictet, Lombard, Hentsch, «mais nous les avons moins étudiés». La Suisse romande se distingue surtout par l’industrie horlogère. On voit donc, logiquement, que «les horlogers sont très présents dans le classement de «L’Hebdo», note Stéphanie Ginalski.
Si, au fil des décennies, le contrôle des familles s’est affaibli dans l’horlogerie, il reste un phénomène très marqué à l’échelle du pays. Stéphanie Ginalski cite ainsi une étude de KPMG, parue en 2005, qui confirme la forte présence des entreprises familiales en Suisse.
Hayek, Bertarelli, Kudelski…
Car, comme le relève l’équipe de recherche de l’UNIL, de nouvelles dynasties sont apparues. On pense aux Hayek (Swatch Group), aux Bertarelli (Serono) et aux Kudelski (Kudelski SA). Les listes de «L’Hebdo» mentionnent, par exemple, Nayla Hayek, directrice des montres Tiffany, fille de Nicolas Hayek, le fondateur qui a confié la direction exécutive de son Swatch Group à son fils Nick Hayek. Alors que Marc, fils de Nayla Hayek, a hérité de la direction de Blancpain. «Le père, le fils, la fille et le petitfils, cela ressemble bien à une dynastie», observe Thomas David.
L’équipe de recherche de l’UNIL relève enfin l’origine étrangère de plusieurs de ces dynasties naissantes. Voici un siècle, il y avait Henri Nestlé, un pharmacien d’origine allemande venu s’établir à Vevey pour y créer une multinationale. Aujourd’hui, ils s’appellent Hayek (originaire du Liban), Bertarelli (Italie) et Kudelski (Pologne). En ce début de XXIe siècle, bon nombre de ces nouvelles élites qui jouent un rôle important dans la construction du pays ne sont pas issues du fameux «Filz helvétique», si critiqué durant les récentes crises.
Le signe que les décideurs helvétiques ne constituent plus un cercle aussi fermé, et donc qu’il y a vraiment quelque chose de changé au coeur de nos élites? Réponse dans les décennies qui viennent.
Michel Beuret
«Les élites suisses au XXe siècle: un processus de différenciation inachevé?», un projet financé par le Fond national suisse de la recherche scientifique. Trois doctorants y travaillent: Stéphanie Ginalski, Andrea Pilotti et Frédéric Rebmann.
Pour plus d’informations: www.unil.ch/iepi/page54315.html (site web du projet)
et www.unil.ch/elitessuisses (site web base de données)