Figures importantes du Moyen Age européen, les Vikings font aussi partie de la culture populaire, de Astérix à Kaamelott. Une série télévisée, diffusée sur la RTS, leur est consacrée. Pourtant, de nombreuses idées fausses circulent à leur sujet. Une chercheuse de l’UNIL rétablit quelques faits.
Dans notre imaginaire, le mot «Viking» évoque des brutes blondes munies de haches, qui bondissent d’un drakkar sur une plage avant d’aller piller un village. De nombreux films et bandes dessinées les ont présentés ainsi. Toutefois, la série canado-irlandaise Vikings, dont la deuxième saison va être diffusée sur la RTS, en présente une image plus nuancée. Cette civilisation nordique est bien plus riche que l’on pense.
Première assistante en section d’anglais, Sarah Baccianti a lancé cet automne un séminaire sur la culture des Vikings, avec un accent particulier porté sur l’Islande. La chercheuse considère leurs nombreuses sagas (récits en prose) comme des «joyaux de la littérature médiévale». Pour Allez savoir!, elle répond à quelques idées reçues.
L’âge d’or des Vikings a duré du VIIIe au XIe siècle
VRAI, MAIS Pour être précis, deux âges se sont succédé. De la fin du VIIIe au milieu du IXe, les Scandinaves explorent et pillent un peu partout en Europe, mais ils ne restent pas sur les lieux. Cette période agitée subsiste dans notre imaginaire. Mais par la suite, ils établissent des colonies. Notamment dans l’est de l’Angleterre où ils créent le Danelaw, en Irlande où les Vikings fondent Dublin et Cork, ainsi qu’en Normandie. Au fil des siècles, ils se mêlent aux les populations locales, ce qui a provoqué leur effacement du paysage. Leur civilisation a toutefois subsisté aux Iles Féroé jusqu’au XVe siècle.
Les Vikings formaient une population unifiée
FAUX Ce terme générique regroupe des populations scandinaves différentes venues de Norvège, du Danemark et partiellement de Suède, puis d’Islande. A l’époque, ils étaient parfois appelés «Normands» (pour «hommes du Nord») ou païens par les populations qui subissaient leur présence.
Ils attaquaient les monastères par haine du christianisme
FAUX Ils savaient simplement que les bâtiments religieux contenaient des objets de valeur et de l’or. Ces polythéistes n’avaient aucune dent contre les chrétiens ni contre les musulmans, avec qui ils ont eu des contacts autour de la Méditerranée. Nombre de ces Scandinaves se sont même convertis.
Les Vikings étaient autant commerçants et voyageurs que guerriers
VRAI Sarah Baccianti utilise même le terme businessmen pour parler d’eux, car ils cherchaient toujours à faire des affaires. Le mot générique «Viking» est une description de leur activité estivale, le pillage. Cela est assez bien montré dans les premiers épisodes de la série Vikings. C’étaient de grands voyageurs: deux sagas racontent l’expédition d’Erik le Rouge et de son fils au Groenland et en Terre-Neuve, autour de l’an 1000. Certains conquièrent Kiev et se font appeler «Rus» par les Arabes, les Byzantins et les Slaves. Au début du XIIe siècle, une expédition du roi Sigurd 1er a visité la Sicile, Byzance et Jérusalem avant de rentrer en Norvège.
Ces voyageurs n’ont amené que des problèmes en Europe
FAUX Ils ont apporté leur culture judiciaire (le mot law vient du vieux norrois) et leur vision plutôt démocratique des affaires publiques. Sous leur influence, le commerce s’est développé dans leurs colonies.
Certes, mais c’étaient des brutes illettrées
FAUX Sarah Baccianti estime que les sagas islandaises, écrites en vieux norrois, figurent parmi les joyaux de la littérature médiévale. Des récits où l’on parle de Thor, Odin et Loki, de héros et d’héroïnes, de dragons et de monstres, de querelles familiales, de morts qui parlent et d’exploits des aïeux. Des textes tour à tour sérieux et irrévérencieux, transmis de manière orale jusque vers l’an 1000, puis transcrits dans l’alphabet latin (additionné de quelques signes particuliers pour les sonorités inexistantes dans nos langues), plus pratique que les runes tracées sur le bois ou la pierre. Des centaines de manuscrits ont été conservés. Signalons que des poètes avaient pour mission de participer aux batailles, afin de raconter les hauts faits des guerriers.
Ils ont laissé des traces dans la langue anglaise
VRAI L’ancien norrois a influencé l’ancien anglais. De nombreux mots qui commencent par sk- comme sky, skin, skirt, l’attestent. Mais également egg, dirt, skittle (quille) et les verbes to glitter, to kindle, to ransack. Le mot law descend de lög. Plus curieux, les pronoms their (þeirra) et they (þeir) trouvent leur origine du côté du Nord.
Le vieux norrois peut être étudié, parlé et écrit
VRAI Sarah Baccianti traduit en ce moment une saga du vieux norrois vers l’anglais. Cette langue, pas trop éloignée de l’islandais moderne, peut être lue à haute voix et possède une grammaire. Mais l’exercice reste difficile!
La société viking était démocratique
ASSEZ VRAI Au Xe siècle, les Islandais ont créé l’Althing, une sorte de parlement, afin d’y régler les conflits et d’y discuter des lois. Même si, dans certains cas, les débats s’enflammaient au point de provoquer quelques morts. Un système judiciaire a été mis en place: par exemple, si quelqu’un tuait un membre d’une autre famille, cette dernière pouvait exiger un dédommagement.
Les femmes étaient bien considérées
VRAI Par exemple, les épouses pouvaient demander le divorce par oral. Sans prendre de part directe aux assemblées comme l’Althing, elles donnaient des conseils et jouaient un rôle diplomatique lors des conflits entre familles (ou au contraire en déclenchaient?!). Elles régnaient sur les fermes. Si les femmes ne prenaient pas part aux combats ou aux pillages, elles voyageaient vers les colonies. Enfin, les sagas comptent quelques héroïnes. Tout cela change lorsque le christianisme s’impose.
La série Vikings est un bon moyen de s’informer
ASSEZ VRAI Sarah Baccianti note que les Vikings présentés dans cette fiction ne sont «pas trop loin» de la réalité. Par rapport aux films plus anciens ou aux bandes dessinées, – où l’on voit des casques à cornes qui n’ont jamais existé – c’est un progrès considérable!
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