Lorsqu’un être humain prie ou médite, l’activité de son cerveau subit des modifications spécifiques perceptibles par l’imagerie cérébrale. Nous entrons alors dans le monde de la neurothéologie. Les précisions de Jacques Besson, chef du Service de psychiatrie communautaire du CHUV et professeur ordinaire à l’UNIL.
La neurothéologie – appelée parfois neurosciences de la religion – est un mot relativement récent. Il a été utilisé pour la première fois en 1962 par Aldous Huxley (Le meilleur des mondes) dans son roman Ile. Plus près de nous, il est apparu en 2001, dans Why God Won’t Go Away, un ouvrage à succès d’Andrew Newberg. Ce scientifique de l’Université de Pennsylvanie a mené des recherches sur le comportement du cerveau humain durant la méditation. Il en a tiré des images historiques qui ont été faites sur des moines bouddhistes.
Jacques Besson, chef du Service de psychiatrie communautaire du CHUV, résume: «La neurothéologie, c’est l’imagerie cérébrale à la recherche des circuits et des régions du cerveau qui sont impliqués dans les activités de méditation mais aussi au sens plus large dans des démarches spirituelles, comme la prière ou d’autres mécanismes qui font appel à la figure divine ou à des activités plus proprement religieuses.»
Cette discipline s’est énormément développée ces dix dernières années. L’avancée la plus spectaculaire concerne la connaissance des effets de la méditation. Plusieurs études le démontrent: la méditation a un important impact sur la partie du cerveau qui contrôle le système neurovégétatif, elle améliore la fréquence cardiaque, allège le stress, modifie un certain nombre d’équilibres dans les neurotransmetteurs qui contribuent à diminuer l’anxiété, la dépression, l’addiction.
Jacques Besson, également membre de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, poursuit: «Allier une grille de lecture neurobiologique à des choses que je savais déjà sur le plan sociologique et psychologique m’amène à dire que la neurothéologie est le chaînon manquant pour comprendre l’impact de la spiritualité sur la santé physique et mentale.» Jacques Besson travaille sur ces questions depuis près de trente ans. Il a fait sa thèse de médecine sur la correspondance entre Sigmund Freud et Oskar Pfister, un pasteur zurichois. Il travaille sur les traitements des populations vulnérables depuis longtemps dans une approche interdisciplinaire. Selon le psychiatre, la spiritualité est une réponse à l’addiction, qui, en sa qualité d’impasse, donne des réponses artificielles à des questions existentielles.
Dieu est dans le cerveau
Neurothéologie. Sciences et religion. Un mariage souvent pluvieux soumis à controverses. D’un côté, certains scientifiques l’affirment: le cerveau est équipé de ces circuits destinés à produire une forme d’apaisement à l’être humain. Ces circuits ne seraient que des productions cérébrales. Résultat? Dieu résiderait… dans le cerveau. A l’opposé, certains pensent qu’au contraire, le cerveau utilise des circuits importants qui occupent un espace central dans l’appareil psychique et dans le système cérébral. L’être humain serait donc doté de circuits neurobiologiques qui lui permettent d’accéder à des mystères, à la métaphysique.
La neurothéologie prouve-t-elle l’existence de Dieu? «On ne peut pas répondre à cette question. Libre à chacun d’interpréter les données, la science montre comment ça marche. La neurothéologie indique que ce sont des questions universelles qui concernent tous les êtres humains, que nous avons tous besoin de sens, de réponses pour vivre ensemble. C’est important, à l’époque de la mondialisation, que la science le souligne: toutes les religions ont le même centre. Sur ce point-là, tous les hommes sont frères.»