Le sociologue David Pichonnaz s’attaque au «capital policier» transmis par l’Académie de Police de Savatan. Au lieu de transformer les aspirants arrivés pour certains (dont il analyse les profils d’origine, apport de ce travail) avec des envies de rétablir un ordre fantasmé, la formation en rajoute dans l’action et le self-défense, alors que le terrain est davantage celui de la misère sociale que de la grande délinquance. La formation adopte une teneur psychologique insuffisante selon lui. Les jeunes interrogés ne remettent pas vraiment cet équilibre en question. Normal. Ils sont proprement immergés dans la tristesse du réel, les marges criantes qui font certes oublier d’autres violences plus cachées. Pichonnaz a raison d’insister sur la nécessité d’en apprendre davantage à ces jeunes. On doit en particulier lutter contre le racisme, mais comment éviter tous les aspects du «profilage racial»? N’est-ce pas un biais anthropologique, une manière universelle d’appréhender l’inconnu? La police doit se garder de tout dérapage. Ajouter de l’humain, oui, mais la meilleure des formations ne remplacera pas les nuances acquises au contact du réel. Le policier est confronté à la part maudite de nos sociétés et le sait bien. Ne faut-il pas bâtir à partir de ce savoir au lieu de le réduire à de pures représentations? Nadine Richon
Devenirs policiers. Par David Pichonnaz. Antipodes (2017), 244 p.
Chacun pour soi, tous dans les bouchons
Cet ouvrage collectif, dirigé par des chercheurs de l’EPFL et de l’UNIL, s’attaque à ce qui nous fait «monter les tours»: la mobilité. Les auteurs ont chapitré leur ouvrage grâce à des questions comme «Faut-il construire plus de routes pour limiter les embouteillages?» (pas forcément, c’est même parfois pire après) ou «Combien une voiture partagée remplace-t-elle de voitures privées?» (la réponse est 9).
Les contributions, nourries à la fois d’exemples suisses et étrangers, ainsi que de la recherche, contredisent souvent l’intuition. Ainsi, le péage urbain de Stockholm a fait baisser le trafic. Certaines personnes ont changé de mode de transport, d’autres leurs horaires. Mais en prime, de nombreux trajets dits «de loisir» ont tout simplement disparu! La mobilité n’est pas qu’une affaire d’ingénieurs et de mécanique des fluides, mais touche aux comportements et donc aux sciences humaines. / DS
La mobilité en questions. Dir. par Michel Bierlaire, Vincent Kaufmann et Patrick Rérat. PPUR (2017), 209 p.
Coupable comme cochon!
L’Histoire s’écrit souvent au gré de petites histoires. Marquantes, cocasses, incongrues. Dans le domaine de la science aussi, les anecdotes se notent dans un coin de la tête, ou sur les bords d’un calepin. Alumnus, Nicolas Quinche a d’ailleurs choisi de compiler un lot d’affaires de crimes. Une liste de celles qui ont marqué la police scientifique. Un livre qui permet de voguer ça et là entre chaque situation relevée. Ces affaires apprennent par exemple au lecteur qu’il fut un temps médiéval au cours duquel les animaux étaient portés devant les tribunaux. Les cochons par exemple, coupables de blessures sur nourrissons ou de meurtre, furent jugés, emprisonnées et même pendus. De la place est accordée pour vanter les mérites de certaines pratiques, comme celle des chasseurs, qui ont mis au rang de l’art l’analyse et l’expertise des traces. Et à qui, selon l’auteur, les criminalistes doivent beaucoup. Une multiplicité de cas qui se laisse simplement picorer. / DTR
65 affaires criminelles qui ont marqué l’histoire de la police scientifique. Nicolas Quinche. Favre (2017), 184 p.