Quand les plantes luttent contre les champignons

Sylvain Dubey, Olga Dubey et Jean-Pascal Aribot, cofondateurs d’AgroSustain, dans une serre de l’Agroscope à Changins (Nyon).
Nicole Chuard © UNIL

Durant son doctorat à l’UNIL, la biologiste Olga Dubey a découvert des molécules aux propriétés fongicides. D’origine végétale, elles sont efficaces contre la pourriture grise ou la chalarose des frênes. Une start-up, AgroSustain, a grandi sur ses travaux.

De nombreuses plantes en pots, comme des fraisiers ou de la vigne, sont alignées à l’abri des serres flambant neuves de l’Agroscope. Ce centre de compétences fédéral se trouve à Changins, près de Nyon. C’est également ici que pousse  AgroSustain, une start-up née de la thèse qu’Olga Dubey a soutenue en juin 2017. «Pendant mes recherches au Département de biologie moléculaire végétale (DBMV) de l’UNIL, j’ai découvert une molécule qui possède une forte activité contre Botrytis cinerea», explique-t-elle. Ce champignon difficile à éradiquer est responsable de la pourriture grise, qui attaque notamment le raisin, la tomate et le tournesol.

Au cours de ses travaux, la scientifique a isolé d’autres molécules, qui ralentissent la croissance de plusieurs champignons pathogènes, voire les éliminent. «Je me suis dit: faisons-en quelque chose d’utile!» Les substances mises au jour par Olga Dubey, aujourd’hui chargée de recherche au DBMV, possèdent un point commun: elles sont d’origine végétale.

AgroSustain, qu’elle a fondée avec Sylvain Dubey et Jean-Pascal Aribot, crée justement des traitements bios. «Je suis originaire de la campagne russe, où l’on utilise des pesticides. Cela me tient à cœur d’agir pour garder les gens en bonne santé», soutient-elle. Grâce aux infrastructures et aux chercheurs de l’Agroscope, des tests in vitro et en serre ont été réalisés. Les essais en plein champ ont démarré en mai 2018.

La chalarose figure parmi les cibles d’AgroSustain. «Il n’existe aujourd’hui aucun moyen de lutter contre cette maladie fongique qui flétrit les frênes», explique Sylvain Dubey, privat-docent au Département d’écologie et évolution de l’UNIL. Mais il s’avère que l’une des molécules développées par la start-up est efficace contre ce fléau. Cette dernière travaille sur un autre produit plutôt malin, AgroShelf+. Il servira à prolonger la durée de vie des fruits et des légumes récoltés, dans les dépôts ou les magasins.

Du labo à l’entreprise

En 2017, les Dubey ont découvert un nouveau métier: entrepreneur. «Nous avons dû apprendre très vite et nous adapter au monde du business», se souvient Olga. En quelques mois, AgroSustain a décroché de nombreux soutiens. Parmi eux, l’UNIL-HEC Accelerator, Venture Kick, qui investit des capitaux privés dans de jeunes sociétés et le PACTT (UNIL-CHUV), qui accompagne les spin-off issues de la recherche. Les spécialistes de cet organisme se sont chargés de l’indispensable brevetage des molécules, une procédure complexe.

Cette aide et cette formation ne sont pas tombées du ciel. Pour les obtenir, il a fallu peaufiner des dossiers et multiplier les présentations orales afin de convaincre jurys et investisseurs. «Dans ce monde, les gens ne se privent pas de vous dire ce qui ne va pas, explique Olga Dubey. J’ai beaucoup appris à leur contact. Les rencontres avec d’autres entrepreneurs, dans des domaines différents du nôtre, nous ont aussi aidés à nous améliorer.» Ami d’enfance de Sylvain Dubey, Jean-Pascal Aribot est ingénieur EPFL et cadre dans une grande société suisse. Aux biologistes, il a pu apporter son expérience du monde économique.

Quelles qualités faut-il pour négocier le passage du laboratoire à l’entreprise? «Je ne suis pas patiente et très obstinée, souligne Olga Dubey. Il faut croire en soi, s’entourer d’une équipe qui vous motive et qui vous pousse en avant, et ne pas penser que l’on peut réussir toute seule» AgroSustain s’est donné jusqu’en 2020 pour sortir ses produits sur le marché. Deux ans pour prendre racine.

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