Quand les moines avaient du réseau

L’Abbatiale de Payerne abrite une exposition au sujet de l’Abbaye de Cluny et de son réseau européen au Moyen Âge, avec un accent sur les sites suisses.

Fondé au début du Xe siècle, l’ordre bénédictin de Cluny a connu un développement important au Moyen Âge. Le XIIe siècle fut son âge d’or. Si l’abbaye de Cluny, dans le Mâconnais, en constituait le centre de gravité, des centaines de sites religieux, à travers l’Europe, en dépendaient. En Suisse, on en comptait neuf importants, dont Romainmôtier et Payerne. 

L’exposition Cluny #TOUSCONNECTÉS, à découvrir à l’Abbatiale de Payerne, raconte la vie de cet ordre, et de son ancrage helvétique. «Le réseau clunisien comprend les moines, bien sûr, mais également des domaines, des terres agricoles, des monastères ou des églises à gérer, indique Karina Queijo, commissaire de l’exposition. Cela implique de maintenir des contacts pour régler les questions administratives, trouver des financements, surveiller la bonne tenue des sites ou nommer des responsables. Tout ceci fait penser à la bonne marche d’une multinationale. » 

Anachronismes volontaires

En recourant à des anachronismes volontaires, l’exposition montre, sous le mot-clé #LinkedIn, comment la hiérarchie fonctionnait. Au sommet se trouvait l’abbé de Cluny, élu par les moines (et non par des seigneurs), auquel obéissaient les prieurs des différentes communautés. Sous #fakenews, on apprend «que les moines étaient bien outillés pour rédiger de faux documents, dans le but de défendre leurs intérêts», relève Karina Queijo. Le Testament de la reine Berthe, soi-disant daté de 961, a été réalisé au XIIe siècle (lire en p. 57). Cette contrefaçon présente quelques erreurs, explicitées dans l’exposition. Plus loin, #Halloween détaille comment la commémoration des défunts, spécialité clunisienne, a permis de faire entrer or et argent dans les caisses. Les messes destinées à assurer le salut des âmes avaient en effet un prix. 

Karina Queijo et Anne-Gaëlle Villet Historiennes de l’art diplômées de l’UNIL. Commissaire de l’exposition Cluny #TOUSCONNECTÉS et directrice-conservatrice de l’Abbatiale de Payerne. Nicole Chuard © UNIL

Comment les sites communiquaient-ils entre eux? Des messagers transmettaient des informations d’un lieu à l’autre par oral, ou en les livrant par écrit. À l’époque médiévale, les textes étaient souvent composés de mots (en latin) abrégés. Un panneau donne quelques exemples de ce langage savant calibré SMS. Le délai de livraison des informations requérait toutefois de la patience. En mettant de côté les brigands et la météo, un bon marcheur mettait une quarantaine d’heures pour faire Payerne-Cluny… Parmi ces voyageurs figuraient des envoyés de l’abbé, venus en inspection pour s’assurer que les prieurés étaient bien tenus!

Cette exposition constitue aussi l’occasion de suivre le parcours guidé au travers du site de Payerne. Parfois émouvante, cette expérience sonore et visuelle a été distinguée d’une recommandation spéciale du jury du European Museum of the Year Award, en mai de cette année. Enfin, la Fédération européenne des sites clunisiens a monté un dossier afin de faire inscrire «Cluny et les sites clunisiens» sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il suffit d’entrer dans la nef romane, à Payerne, pour se rendre compte de l’évidence d’une telle démarche.

Article principal: La reine Berthe, cette fantaisie vaudoise

Laisser un commentaire