Fruit de vingt ans de travail scientifique et artistique, un livre présente de manière visuelle l’évolution des vertébrés depuis leur apparition, il y a plus de 500 millions d’années. Une première.
Des centaines de dessins d’animaux parsèment les pages étalées sur le bureau d’Arthur Escher, géologue et professeur honoraire de l’UNIL. Vivants ou disparus, ils peuplent les épreuves de son Atlas des vertébrés, qui va paraître en février aux Editions Loisirs et Pédagogie. Cet ouvrage au format carré constitue un arbre généalogique vertigineux. Depuis les premiers poissons (apparus il y a 540 millions d’années environ) jusqu’à nos jours, le foisonnement des chemins pris par la vie est représenté.
Ces branches sont coupées régulièrement par des extinctions massives, tracées en rose dans le livre. Par exemple, le groupe des ptérosaures côtoie celui des dinosaures carnivores. Entre ces géants se trouve une mince ligne couverte d’oiseaux. Ces derniers ont non seulement résisté aux cataclysmes survenus il y a 66 millions d’années, mais ils ont de plus connu un développement extraordinaire sitôt leurs concurrents disparus.
Ce phénomène, appelé «explosion radiative», frappe Arthur Escher. «Peu de bestioles franchissent les extinctions majeures. Elles se promènent presque seules pendant des millions d’années. Ça doit être horrible !» C’est avec humour et modestie que le géologue présente le résultat de vingt ans de travail, destiné à l’origine à ses petits-enfants.
Réalisé avec la complicité de Robin Marchant, conservateur au Musée cantonal de géologie et chercheur à l’UNIL, l’Atlas s’adresse aujourd’hui à tout le monde. Outre une vue d’ensemble, des planches proposent des zooms plus détaillés et commentés sur les branches principales des vertébrés. Sur la partie consacrée aux primates, l’auteur a illustré deux Homo sapiens… munis de téléphones portables. «Un temps, j’avais pensé à dessiner Gaston Lagaffe», sourit l’auteur, grand admirateur de Franquin.
Validation scientifique
Ces cartes des continents du vivant rassemblent une extraordinaire compilation d’informations. Elles ne tombent pas du ciel. Arthur Escher insiste : «Je n’aurais rien pu faire sans Internet. J’ai également acheté tous les ouvrages possibles.» Des chercheurs comme Michael Benton (Université de Bristol) ou Spencer Lucas (New Mexico Museum of Natural History and Science) ont validé le travail du géologue. Enfin, Robin Marchant a mené une veille sur les publications scientifiques dans le domaine de la paléontologie, relu, révisé et corrigé afin que l’Atlas soit le plus à jour et précis possible. «Ce travail peut être poursuivi indéfiniment, car de nouvelles découvertes surviennent fréquemment», ajoute le scientifique.
Instruit par son fils Marc à propos de l’utilisation des logiciels graphiques, Arthur Escher a dessiné des centaines d’animaux à l’ordinateur. «Mais c’était la partie la plus facile, ajoute-t-il. Ce sont les relations entre les groupes de vertébrés et la manière de les représenter visuellement qui m’ont compliqué la tâche.» D’autant que les spécialistes ne sont pas toujours d’accord entre eux.
L’ouvrage possède plusieurs vertus. Il relègue le créationnisme aux oubliettes. De plus, il nous rend modestes. En effet, sur une double page, Robin Marchant a illustré l’arbre du vivant. Les vertébrés n’en occupent qu’une partie infime. Ils sont largement surclassés, en nombre d’espèces, par les insectes. Enfin, les auteurs ont tracé – avec un point d’interrogation – la sixième extinction majeure qui se trouve peut-être juste devant nous. Cette coupure qui tombe sur le mot «Présent» dans l’échelle des temps géologiques fait froid dans le dos. «Mais les humains sont plein de ressources, ils inventent sans arrêt. Peut-être trouveront-ils un moyen de s’en sortir», sourit Arthur Escher.