Le Fonds d’innovation pédagogique fête son 100e projet. L’occasion de revenir sur l’importance que l’UNIL accorde à la qualité de l’enseignement dispensé entre ses murs.
Améliorer la qualité de l’enseignement et par là même la qualité de l’apprentissage, c’est l’objectif du Fonds d’innovation pédagogique (FIP). Par son truchement, l’UNIL investit chaque année depuis sept ans quelque 600 000 francs pour soutenir les projets de ses enseignants. La Journée de l’innovation pédagogique, le 27 novembre prochain (voir ci-dessous), et l’acceptation cet automne du 100e projet FIP témoignent du succès de ce programme mis en œuvre en 2007-2008. La direction de l’UNIL entendait alors – et entend toujours – valoriser l’enseignement, parent pauvre de la recherche universitaire, et développer des processus de qualité. La création du Centre de soutien à l’enseignement (CSE) en 1999 et sa promotion en tant que service à part entière en 2006 constituent les premières démarches de cette partie du plan stratégique de l’UNIL, portée par le vice-recteur Jacques Lanarès; le FIP en est la suite logique.
La fin du «Moyen Age»
Valoriser l’enseignement, certes. Mais pourquoi l’innovation pédagogique est-elle si importante? Parce que le rôle de l’enseignant a changé.
«L’université est longtemps restée dans un modèle que je qualifie – quand je veux être méchant avec mes collègues – de moyenâgeux, explique Jacques Lanarès. Un modèle où c’est le maître qui sait et transmet, et où les plus adaptés survivent, réussissent et formeront l’élite. Mais cela n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui, car moins de 3% des étudiants poursuivent une carrière académique. On doit donc tenir compte des 97% restants, s’occuper de leur apprentissage et leur permettre d’être le mieux formés possible pour qu’ils puissent s’insérer sur le marché du travail et y transférer leurs compétences.»
Les réformes de Bologne ne sont pas étrangères à cette évolution. Ces dernières ont conduit à un important changement de paradigme: «Nous sommes passés d’un enseignement centré sur les contenus et l’enseignant à un enseignement centré sur l’apprentissage et les étudiants», souligne le vice-recteur de l’UNIL. Ce qui est important, ce n’est donc plus seulement ce que le prof raconte, mais ce que les étudiants apprennent et ce que l’enseignant met en œuvre pour faciliter l’apprentissage.
L’accès à la production scientifique de base, grâce aux nouvelles technologies (par exemple l’accès aux revues scientifiques et aux périodiques grâce à PérUnil), a également contribué à modifier le rôle des enseignants qui ne doivent plus se contenter de raconter des choses que les étudiants peuvent trouver seuls. «Ce contexte nous amène à dire qu’il est important de se préoccuper de l’enseignement. Experts du contenu, les professeurs doivent aussi devenir des experts du processus d’apprentissage, insiste Jacques Lanarès. Le Fonds d’innovation pédagogique est un outil parmi d’autres pour soutenir cette évolution. Il s’agit à la fois d’accompagner les enseignants et les enseignantes dans leur motivation et leur intérêt à développer leurs compétences pédagogiques, et à la fois de faire évoluer l’enseignement pour permettre l’amélioration de l’apprentissage des étudiants et des étudiantes.»
L’UNIL à la pointe de l’innovation
Le principe du Fonds d’innovation pédagogique n’est pas une spécificité lausannoise. Mais si l’UNIL n’en est pas l’inventeur, en Suisse romande elle est la seule université à mener ce type d’initiative. Il y a quelques années, l’EPFL a fait une tentative du genre avec des budgets plus importants et donc des attentes très sélectives, mais, au dire de Jacques Lanarès, elle y a rapidement renoncé car de nombreux projets étaient refusés, décourageant les postulants.
Si certaines universités suisses alémaniques ont des fonds similaires, le vice-recteur n’hésite pas à le dire: «L’UNIL est à la pointe dans ce domaine». L’acceptation du 100e projet soutenu par le FIP et le nombre croissant de dossiers remis chaque année rendent compte du succès de l’entreprise.
Avec un montant alloué de 30 000 francs maximum par projet, on mise sur le foisonnement des idées et sur des projets à moindres risques, qui permettent de tester de nouvelles méthodes. De son expérience en dehors de l’UNIL, Emmanuel Sylvestre, aujourd’hui directeur du CSE, témoigne de l’efficacité de ce principe. «Ce ne sont pas forcément les projets pédagogiques les plus ambitieux et les plus coûteux qui ont le plus grand impact, souligne-t-il. Et surtout ici, il n’est pas question que le fonds soit détourné pour l’achat de matériel, comme cela a pu être observé ailleurs; les projets doivent apporter une réelle innovation.» Le Fonds finance en particulier les ressources humaines qui permettront de mettre en place les nouveaux dispositifs pédagogiques. A l’initiateur du projet de garantir sa pérennité, le cas échéant en trouvant une source de financement extérieure pour poursuivre sa mise en application les années suivantes ou effectuer des mises à jour.
Techno or not techno
Microscopie interactive grâce à l’usage d’ordinateurs, tablettes et téléphones cellulaires ou plate-forme d’apprentissage en ligne pour s’initier à l’épigraphie grecque et s’autocorriger, les projets pédagogiques soutenus à l’UNIL sont à la fois simples et variés. Mais qui dit innovation ne dit pas forcément technologie. Un tiers des dispositifs pédagogiques soutenus par le FIP n’y ont pas du tout recours.
A titre d’exemple, Emmanuel Sylvestre évoque le voyage en Chine d’une vingtaine d’étudiants de la Faculté des HEC. Le projet Shanghai, initié en 2012 et réitéré trois ans de suite, s’est fixé comme objectif d’envoyer des étudiants dans un marché émergent pour dix jours d’étude visant à acquérir une meilleure compréhension de l’économie chinoise.
«Le Fonds d’innovation pédagogique a soutenu la mise en place des jours de préparation nécessaires à un tel voyage (jeux de rôle pour se préparer à interviewer en anglais des chefs d’entreprise chinois, initiation à la culture chinoise, etc.), commente le responsable du CSE. Le projet a également prévu l’élaboration de critères de sélection pour choisir les étudiants qui ont la chance de faire ce voyage limité à vingt personnes.»
Le point commun des cent projets soutenus à ce jour par le Fonds d’innovation pédagogique est qu’ils font plus ou moins tous appel à une plus grande participation des étudiants pendant ou en dehors des cours. «L’évolution de notre compréhension du processus d’apprentissage nous conduit aujourd’hui à penser que les étudiants apprennent mieux, s’ils sont plus actifs et s’ils peuvent établir des liens entre les éléments qu’on leur enseigne», commente Jacques Lanarès.
Ces deux dimensions sont essentielles à l’apprentissage selon les recherches en neuropsychologie et psychologie de l’apprentissage. Et il faut l’admettre, les nouveaux dispositifs pédagogiques ont montré leur efficacité: dans certains cas, les étudiants obtiennent d’ailleurs de meilleurs résultats aux examens.
Plus d’interactivité… et de travail
Paradoxalement, ces méthodes ne font pas toujours l’unanimité auprès des bénéficiaires. «Les étudiants ne sont pas forcément sensibles à ces innovations, relève en effet Emmanuel Sylvestre. Ils font parfois preuve de résistance face aux changements mis en place dans les enseignements. Comme c’est nouveau, ils ne savent pas comment les choses vont se passer, notamment à l’examen, et ont donc certaines appréhensions.»
Les étudiants ne sont pas non plus tous friands d’interactivité pendant les cours; certains préfèrent la situation plus passive d’un cours en auditoire où le prof déverse son savoir. Car les dispositifs interactifs rendent le «métier» d’étudiant plus exigeant et ce n’est pas au goût de tous. Un exemple: «Un enseignant a mis en place une sorte de contrôle continu, raconte Emmanuel Sylvestre, avec des rendus intermédiaires à différentes étapes et une prise en compte du progrès de l’étudiant pour la notation. Il a remarqué que les travaux rendus durant le séminaire étaient de meilleure qualité, mais les étudiants, eux, se sont plaints que cela leur demandait trop de travail.» Un constat commenté par Jacques Lanarès: «Les innovations pédagogiques facilitent l’apprentissage, pas les études. Par contre, je pense qu’elles rendent ces dernières plus intéressantes.»
Encourager la créativité
De même, l’innovation rend le métier d’enseignant plus motivant, et les profs de l’UNIL sont de plus en plus nombreux à se montrer créatifs dans l’élaboration de projets pédagogiques. Emmanuel Sylvestre et Jacques Lanarès s’en réjouissent et relèvent également la qualité croissante des dossiers déposés au FIP. Pourtant, les critères de sélection ont été renforcés: les nouveaux dispositifs doivent être durables et si possible transférables à un autre enseignement, voire une autre faculté. «82% des projets ont été pérennisés, note à ce propos le vice-recteur, déçu en bien. C’est un taux élevé pour de l’innovation; on n’aurait pas été surpris qu’un seul projet sur deux fonctionne!»
Les deux hommes s’enthousiasment également de l’émulation provoquée par le FIP et la Journée de l’innovation pédagogique. Ils relèvent un véritable effet de contamination et, selon Jacques Lanarès, qui a évalué l’impact du FIP, 35% des projets ont suscité d’autres initiatives. «Cette évaluation montre que 23% des enseignants affirment que le FIP leur a permis d’augmenter leur réflexivité sur leur enseignement. Et ça, ça me réjouit vraiment!», conclut le vice-recteur.
2e Journée de l’innovation pédagogique
Cet évènement est ouvert au public intéressé par la créativité pédagogique dans le domaine de la formation universitaire. La deuxième édition met un accent particulier sur le «transfert des apprentissages», c’est-à-dire la manière dont les étudiants appliquent les compétences acquises dans un cours à d’autres disciplines, ou dans le monde professionnel. Une quinzaine de projets innovants, regroupés dans un «Village pédagogique», seront présentés aux visiteurs par les enseignants passionnés qui en sont responsables. Deux ateliers pratiques, ainsi qu’une conférence de François Lambotte, professeur à l’Ecole de Communication de l’Université catholique de Louvain et Jacques Robert, professeur au Service de l’enseignement des technologies de l’information de HEC Montréal, ponctueront cette journée. Les ingénieurs pédagogiques et les conseillers pédagogiques du Centre de soutien à l’enseignement seront également sur place.
UNIL-Sorge. Amphipôle. 27 novembre. Dès 9h30.
Infos et inscriptions: www.unil.ch/fip. Sur Twitter #jip2014