Le mardi 2 juin 2020, des millions de personnes ont publié un carré noir sur leur compte Instagram, en ajoutant le mot-clé #BlackOutTuesday dans la légende. Parmi elles, des célébrités comme la chanteuse Katy Perry (voir ci-dessus). Cette initiative, née dans le milieu de l’industrie musicale étasunienne, visait à dénoncer le racisme et les violences policières subis par les Afro-Américains.
Des causes de toutes sortes surgissent fréquemment sur les réseaux sociaux. Quand il s’agit de soutenir des initiatives avant une votation, de se montrer solidaire avec les soignants ou d’appeler à signer telle pétition en ligne, Facebook & Co servent volontiers de vitrine, au point de donner l’impression, certains jours, de se promener dans un supermarché des mobilisations, version numérique.
Cela pose une antique question (soit une décennie, selon l’échelle temporelle des réseaux sociaux): est-ce que l’engagement à coup de clics, qu’on appelle le «slacktivisme», est vraiment utile? N’a-t-on pas affaire à une manière de se mobiliser en ne bougeant littéralement que le petit doigt, tout en se construisant au passage une image de militant à bon marché?
Sans en avoir l’air, ce sujet prend la forme d’une boîte de Pandore. Il pose par exemple la question de définir ce qu’est la «bonne» manière de s’engager. À titre collectif, est-on plus efficace dans la rue sous une pancarte, ou assis derrière un écran? Ce n’est pas clair.
Du point de vue de l’individu, il paraît moins dangereux de manifester en ligne. Au moins, on évite les lacrymogènes. Mais dans le contexte polarisé des réseaux sociaux, l’affichage de causes sur un profil (au hasard, le féminisme ou le climat) ou la publication d’un contenu militant peut déboucher sur des engueulades virtuelles pénibles, d’autant qu’elles impliquent des «proches». Toujours prévenants, les réseaux sociaux permettent d’éjecter quelqu’un de sa vie, pour ses opinions, en un clic.
Pour éviter ce genre d’embrouille, il paraît tentant de rester neutre. Fausse bonne idée. Le fait de ne pas rejoindre un mouvement comme #BlackOutTuesday peut faire naître un soupçon de racisme, selon le bon vieux principe du «Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous».
Les personnes interrogées au sujet de l’engagement en ligne, dans cette édition d’Allez savoir! (lire l’article), livrent des réponses contradictoires ainsi que de nombreuses pistes de réflexion. La recherche menée depuis une décennie ne fournit pas de verdict définitif non plus, ce qui constitue une bonne nouvelle: s’il est une chose qui manque aux contenus publiés sur les réseaux sociaux, surtout dans cette période de crises, c’est de la nuance.