Parlez-vous elfique?

La Terre du Milieu, le monde imaginé par Tolkien, est si vaste que le touriste peut s’y perdre. Apprendre les langues locales pour pouvoir demander son chemin aux autochtones est une bonne idée… impossible à réaliser !

Dès le début de Bilbo le Hobbit, le lecteur est confronté aux runes inscrites sur une carte que possède le roi des Nains, Thorïn. J. R. R. Tolkien se fend même d’un préambule à ce sujet, dans l’édition anglaise de son conte (publié chez HarperCollins). Le Seigneur des anneaux est émaillé de phrases elfiques.

Ce piment linguistique, ingrédient essentiel de l’univers du professeur d’Oxford, rend ses oeuvres vivantes. Mais il donne à certains l’impression que les langues inventées par l’auteur peuvent être apprises, comme l’anglais ou l’espagnol. Dans le sillage des films, de nombreux sites proposent des cours rarement sérieux de sindarin ou de quenya, deux des langages présents dans les livres. Problème: J. R. R. Tolkien n’a «jamais composé d’Elfique en 10 leçons à potasser le soir», explique le linguiste Edouard Kloczko, qui vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débutants aux Editions Fetjaine. L’auteur a plutôt semé des fragments dans de nombreux écrits et documents souvent techniques, et donc seulement accessibles aux spécialistes. Au final, il n’est pas possible d’apprendre les créations linguistiques du philologue, mais seulement de les étudier.

Bonne nouvelle tout de même: le sindarin (bâti en partie sur le gallois) et le quenya (inspiré entre autres par le finnois) sont assez avancés dans leur élaboration pour qu’il soit envisageable de s’y exprimer. Mieux: J. R. R. Tolkien a laissé des indications sur la manière de les prononcer dans un appendice au Seigneur des anneaux. Il a même enregistré certains poèmes, dont Namárië (voir ci-dessous). Cette Complainte de Galadriel se récite en quenya. Son écriture élégante, une autre des passions du médiéviste anglais, est baptisée tengwar.

Complexes, les langues fragmentaires imaginées par l’auteur de Bilbo ne permettent pas de communiquer au quotidien avec les Elfes. Petite consolation tout de même: sans elles, l’oeuvre de J. R. R. Tolkien n’aurait pas eu la même profondeur.

Namárië en version originale - © iStockphoto.com - Jacob McClenny - wikipediaNamarië en version originale
Namárië en version originale – © iStockphoto.com – Jacob McClenny – wikipedia

Namárië

En trois versions: originale, dans notre alphabet et traduite en français par le linguiste Édouard Kloczko. Ce dernier vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débutants aux Editions Fetjaine.

La version translittérée

Ai! laurië lantar lassi súrinen, / yéni únótimë ve rámar aldaron! / Yéni ve lintë yuldar avánier / mi oromardi lissë-miruvóreva / Andúnë pella, Vardo tellumar / nu luini yassen tintilar i eleni / ómaryo airetári-lírinen.

Sí man i yulma nin enquantuva?

An sí Tintallë Varda Oiolossëo / ve fanyar máryat Elentári ortanë / ar ilyë tier undulávë lumbulë / ar sindanóriello caita mornië / i falmalinnar imbë met, ar hísië / untúpa Calaciryo míri oialë. / Sí vanwa ná, Rómello vanwa, Valimar!

Namárië! Nai hiruvalyë Valimar! / Nai elyë hiruva! Namárië!

Et française

Ah! comme l’or tombent les feuilles dans le vent, / de longues années innombrables comme les ailes des arbres! / Les longues années ont passé pareilles à de rapides gorgées / de l’hydromel sucré dans les hautes salles / au-delà de l’Ouest, sous les dômes bleus de Varda, / où les étoiles tremblent / au chant de la voix sainte de la Reine.

Qui à présent remplira la coupe pour moi ?

Car désormais l’Enflammeuse, Varda, la Reine des étoiles, / a élevé ses mains comme des nuages, à partir du mont Toujours-blanc, / et toutes les routes furent profondément noyées dans la brume; / et venues d’un pays gris les ténèbres s’étendent / entre nous sur les vagues écumantes / et les brumes recouvrent les joyaux de la Calacirya pour toujours. / Perdu désormais, perdu pour ceux de l’Est, est Valimar!

Au revoir! Peut-être trouveras-tu Valimar. / C’est peut-être toi qui la trouveras. Au revoir!

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