
Comment la littérature s’est-elle emparée des objets? Pas moins de 46 chercheuses et chercheurs ont traité des liens entre la pensée et la culture matérielle, entre 1830 et aujourd’hui. Leurs contributions sont rassemblées dans un ouvrage accompagné d’une base de données.
Savez-vous que l’on dénombre 497 cheminées au fil des pages de La Comédie humaine de Balzac? Le voyage proposé par Écrire les choses commence justement dans les années 1830, avec «l’essor du réalisme littéraire», qui accompagne le développement d’une bourgeoisie encombrée de mobilier, de lampes, de tableaux et de tant d’autres objets. Sous la direction de Sophie-Valentine Borloz et Marta Caraion (Unil), ainsi que de Judith Lyon-Caen (EHESS), l’ouvrage nous ouvre les portes d’un champ de recherche, «les études de culture matérielle de la littérature».
Ce n’est rien de dire que le domaine prend des airs d’entrepôt titanesque, tant le corpus littéraire examiné dans Écrire les choses s’avère riche (Gustave Flaubert, Émile Zola et Georges Perec reviennent régulièrement). Cette diversité apparaît dans les analyses proposées par les 46 autrices et auteurs des contributions. Un peu partout dans l’ouvrage, des encarts brefs mettent l’accent sur un thème particulier, des assiettes parlantes aux mannequins des vitrines, en passant par les albums photo. Cela incite à se saisir de ces objets par pure curiosité, un peu comme dans une brocante.
Titrée Marchandise, consommation, la première partie de l’ouvrage propose une visite étourdissante des «grands magasins littéraires» sous la plume de Sophie-Valentine Borloz, post-doctorante en Faculté des lettres. Si Le bonheur des dames constitue un jalon dans la mise en scène des marchandises, la chercheuse convoque un roman de l’écrivaine Rachilde, qui s’insurge contre l’érotisation de l’acte d’achat, quand le jeune héros de son Monsieur de la nouveauté (1880) perd la tête au rayon lingerie.
Aux antipodes de cette abondance, dans la troisième partie de l’ouvrage, la professeure Marta Caraion part de l’exemple du tri par le vide professé par Marie Kondo pour se pencher sur la question mémorielle, grâce à de nombreux exemples souvent touchants. Ainsi, chez l’écrivain Pierre Michon, des souvenirs de famille gardés dans des boîtes en fer-blanc, appelés «Trésors», portent les histoires des aïeux.
Publié l’été dernier, Écrire les choses est l’un des accomplissements d’une aventure intellectuelle financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Une base de données a été ouverte en parallèle (catima.unil.ch/objetslitt/fr). Elle contient nombre de fiches de lecture analytiques qui invitent à fureter d’un objet à l’autre, d’un texte à l’autre.
Notice sur Labelettres, site de la Faculté des lettres

