«Nous devrions être informés du prix de nos traitements médicaux»

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Vous allez chez le médecin, qui vous examine, pose un diagnostic et vous propose un traitement – ou plusieurs, soulignant les avantages et limites de chacun. Et son coût ? C’est le grand oublié des visites médicales.

Souvent, le corps médical n’aborde la question du prix d’une thérapie que si celle-ci n’est pas prise en charge par l’assurance obligatoire des soins. Pourtant, la transparence devrait être de mise, notamment au bénéfice des nombreuses personnes dont la franchise est élevée.

Pourquoi les médecins n’abordent-ils pas la question du prix du traitement ou de l’opération qu’ils préconisent?

Valérie Junod: Ils l’abordent systématiquement quand il s’agit de prestations qui ne sont pas prises en charge par l’assurance obligatoire des soins (AOS). Par exemple une opération de chirurgie esthétique. C’est beaucoup plus rare, voire inexistant, lorsque le traitement ou l’opération sont a priori remboursés. Par habitude, mais aussi pour des raisons juridiques. 

En effet, un médecin doit obtenir le consentement éclairé du patient, ce qui implique de lui donner toutes les informations nécessaires pour qu’il puisse se déterminer en toute connaissance de cause. Une jurisprudence du Tribunal Fédéral exige que si un médecin délivre des prestations qui ne sont pas prises en charge par l’assurance sans en avoir préalablement renseigné son patient, il devra en assumer le coût. Cela a suggéré a contrario que si c’est pris en charge, alors le médecin est libéré de cette obligation. Et c’est de fait ce qui se passe.

On peut le comprendre – après tout, si c’est pris en charge par l’AOS, pourquoi mentionner le coût?

Eh bien par souci de transparence, et aussi parce que quelque 31 % des Suisses ont opté pour la franchise de 2500 francs. Si on ajoute à cela la quote-part plafonnée à 700 francs, on peut se retrouver avec une facture de 3200 francs. Le patient peut avoir envie de repousser la procédure à l’année suivante pour changer de franchise, ou au contraire de l’avancer parce qu’il a déjà atteint sa franchise dans l’année en cours. Quoi qu’il en soit, il doit pouvoir choisir.

Mais peut-on vraiment connaître à l’avance le prix d’une procédure? 

Franchement, oui dans 80 % des cas. Les spécialistes, par exemple gynécologues ou ophtalmologues, ont un catalogue de prestations qu’ils répètent régulièrement, et peuvent donner des estimations précises. Un ophtalmologue sait très bien combien coûte une opération standard de la cataracte.

N’y a-t-il pas le risque qu’un patient renonce à une intervention qu’il estimerait trop chère, s’il en connaît le prix?

Ça me semble un très mauvais argument contre la transparence. L’idée c’est quoi? Le médecin connaît la situation financière difficile de son patient et le «coule» volontairement en lui infligeant des frais à hauteur de 3200 francs, le mettant devant le fait accompli une fois que la procédure est réalisée? Un peu délicat pour le médecin, quand même… Mieux vaut être clair sur le prix et orienter vers les services sociaux pour trouver une aide financière adéquate si cela s’avère nécessaire.

Concrètement, on peut faire quoi?

C’est difficile à changer, parce qu’il y a une dimension culturelle: pour les médecins, parler d’argent, c’est entre indécent et vulgaire. Il y a peu de pression de la part des patients pour davantage de transparence. Car le 45 % des personnes qui ont une franchise élevée (1000 à 2000 francs) est composé de deux groupes distincts. Des personnes très éduquées et sans soucis financiers – elles changent de franchise avant une intervention et jouent avec le système et peuvent, sinon, assumer les coûts. Et des personnes acculées financièrement qui n’ont pas les moyens ni le temps de mener ce combat. Cela dit, on pourrait très concrètement imaginer dans les cabinets des spécialistes des flyers qui indiqueraient le prix des interventions les plus fréquentes, et dans les hôpitaux, un service qui renseignerait de façon simple et précise quant aux coûts induits par un traitement. Mais c’est toujours pareil en Suisse: l’écrasante majorité est très satisfaite du système de santé –certes un peu cher, mais bon la qualité est là, alors il faut faire avec, finissent-ils toujours par conclure…

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