Mieux que les astrologues, les économistes voient déjà 2007

Mieux que les astrologues, les économistes voient déjà 2007

Marmix est un site de prédictions développé à l’UNIL. Il lance des paris sur l’avenir avec ses marchés d’idées. Grâce aux votes des internautes, on y apprend souvent à l’avance quels seront les grands événements de demain. Explications.

Un clic, une option. C’est si simple de miser sur la réalisation d’un événement qui se déroulera à une date future. Cela se passe sur internet et c’est souvent gratuit. A l’instar des autres marchés de prédictions installés sur la toile le site Marmix, développé à l’Institut des systèmes d’information de l’Ecole des HEC de l’Université de Lausanne, lance les paris sur l’avenir. Et fait preuve d’une efficacité avérée dans la divination.

A Lausanne, les paris actuellement en cours portent notamment sur l’avenir d’Alinghi ou le succès éventuel du projet SolarImpulse emmené par Bertrand Piccard. Ailleurs sur la toile, on demande aux internautes d’évaluer les chances de Condoleezza Rice et d’Hillary Clinton d’accéder à la présidence des Etats-Unis, ou, pour Albert de Monaco, de se marier prochainement, ou encore qu’Oussama ben Laden soit capturé ou tué sous la présidence
de George W. Bush.

Autant d’événements qui se dérouleront peut-être dans les semaines à venir.

Une invention des années 1980

Connaître à l’avance le futur est un vieux rêve de l’homme. De la Pythie à l’astrologue, en passant par les modèles économétriques sophistiqués censés indiquer l’orientation des marchés financiers ou les classiques sondages d’opinion, l’humanité a de tout temps cherché à créer des outils pour s’orienter dans le brouillard de l’avenir.

Les économistes tiennent peut-être la nouvelle pierre philosophale experte en oracles: les marchés de prédictions. Ils sont nés dans les années 80 en utilisant la technique développée pour les marchés de futures (des contrats à terme, n.d.l.r.) qui permettent de miser à l’avance sur la valeur à venir – à une date donnée – de matières premières, d’actions ou de taux d’intérêt.

Mais là, on mise sur des idées. «En 1988, l’Université d’Iowa a lancé l’Iowa Electronic Market pour prévoir le résultat de l’élection présidentielle américaine. Et ils ont trouvé. Cette même année, un professeur d’économie américain, Robin Hanson, a imaginé de lancer un marché de prédictions pour les futurs sujets de recherche et il a publié deux articles théoriques», explique Cédric Gaspoz, créateur du site Marmix dans le cadre de la préparation de son doctorat en informatique de gestion à HEC Lausanne. «Le travail d’Hanson n’a pas donné de résultats concrets, mais les marchés de prédictions étaient lancés.»

Pourquoi c’est plus efficace qu’un sondage

Le chercheur lausannois précise qu’«il s’agit en général de contrats binaires avec deux seules réponses possibles: oui ou non». Il faut donner des réponses à une question simple, du genre: «Est-ce que cet événement sera réalisé à cette date?» Chacun vote en fonction de sa conviction profonde et non de ses choix partisans: «Sur un marché de prédictions, le but est de gagner, pas de faire passer son opinion. Celui qui, il y a quelques semaines, était partisan de la loi sur l’asile tout en pensant qu’elle n’allait pas être approuvée en votation, optait pour le non.»

De plus, un parieur mise gros s’il est convaincu d’avoir raison. A la différence du sondage, un votant dispose d’autant de clics qu’il le souhaite pour faire monter la valeur de son pronostic favori! Si les paris sur la vie des «people» ont la cote sur les sites spécialisés – en testant par exemple la dernière rumeur qui prête à Stéphanie de Monaco l’intention de convoler à nouveau avec Daniel Ducruet – certaines applications intéressent les entreprises.

«Il est possible de faire des marchés de prédictions non seulement sur la réalisation d’un événement, mais sur des fourchettes: par exemple à propos des futures ventes d’imprimantes d’un grand fabricant», précise Cédric Gaspoz.

De l’info à bon marché

L’intérêt des marchés de prédictions, par rapport aux sondages et autres études de marchés, «tient au faible coût, pour les entreprises, de l’information ainsi récoltée». De là à afficher un marché de prédictions sur le tableau de bord d’un grand patron, il y a un pas qui n’a pas encore été franchi.

Particularité de cette agora moderne: les meilleures prédictions ne tiennent pas à la présence de seuls experts au sein de la communauté des votants. Au contraire: «Les non-spécialistes vont faire des erreurs de prévision qui seront corrigées par des experts qui y verront une possibilité de gain. Plus il y a de bruit, plus les initiés gagnent.» Concrètement, «un market maker automatique tient compte du bruit ambiant pour proposer un prix d’achat qui incite les initiés à venir sur le marché», explique encore Cédric Gaspoz.

Les marchés de prédictions ne sont ainsi guère différents de la Bourse où, «quand M. et Mme Tout le monde perdent, cela amène de la liquidité et des gains pour les investisseurs mieux informés».

Dans le cadre du projet FNRS MICS (Mobile Information & Communication Systems) dirigé par l’EPFL et qui entre dans sa deuxième phase, HEC Lausanne va opérer un marché de prédictions. «Il s’agit de voir quelles sont les nouvelles technologies et applications mobiles qui ont le plus de chances d’avoir des débouchés dans quatre ans», indique Cédric Gaspoz. Ce marché ne sera accessible qu’à la communauté des chercheurs impliqués dans le projet.

Des paris sur les votations suisses de 2007

Le site Marmix va également collaborer avec l’IDHEAP (Institut de Hautes Etudes en Administration Publique de Lausanne) pour lancer des paris sur les résultats des votations fédérales de 2007. «Nous allons commencer deux mois avant – indique le chercheur de l’UNIL – et suivre l’évolution des opinions sur les différents contrats.»

Ces foires aux idées modernes que sont les marchés de prédictions ont donc de beaux jours devant eux. L’augmentation régulière du nombre de personnes ayant accès à internet permet de tester des opinions à grande échelle. Et comme tout commence par une idée, les fans d’Arnold Schwarzenegger aux Etats-Unis – dont les espoirs de le voir accéder un jour à la fonction suprême semblent aujourd’hui un brin loufoques – feront peut-être un jour figure de visionnaires, ayant su déceler très tôt en lui l’étoffe d’un futur président des Etats-Unis.

Françoise Guy

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