L’intérêt pour le poker, les loteries électroniques ou le casino par exemple, peut tourner à l’addiction chez certaines personnes. Une formation continue permet de mieux dépister, orienter et prendre en charge ces dernières.
Les jeux accompagnent l’Humanité depuis l’Antiquité. La créativité dans ce domaine ne faiblit pas de nos jours, bien au contraire. Aux dés, aux cartes et à l’assortiment proposé par les casinos se sont ajoutées des loteries électroniques de plus en plus sophistiquées, tandis que l’offre de jeux sur Internet s’est élargie et se diversifie par l’intermédiaire des smartphones et des réseaux sociaux. «On estime qu’environ 2% de la population a un problème de jeu excessif dans les pays industrialisés», note Mélina Andronicos, psychologue responsable de recherche au Centre du jeu excessif (CHUV), installé en plein cœur de Lausanne.
La recherche, notamment en neurosciences, a démontré que l’activité de jeu démesurée doit être considérée comme une addiction sans substance, qui peut occuper une place considérable dans la vie des personnes concernées.
Malheureusement, très peu d’entre elles consultent et de manière trop tardive. En effet, elles mettent en moyenne cinq à sept ans pour le faire, tant il est difficile d’admettre que l’on a un souci», ajoute la chercheuse. Les conséquences sont lourdes: perte de l’emploi, conflits familiaux, isolement, endettement. Elles peuvent se cumuler avec des problématiques parfois préexistantes, comme par exemple l’alcoolisme ou la dépression.
Toutefois, le jeu excessif se dépiste et se traite. «Notre but consiste à former des personnes relais et à informer le public, afin que cette addiction ne soit plus un tabou et que les patients consultent plus tôt», souligne Mélina Andronicos, également coordinatrice du Certificate of Advanced Studies (CAS) «Jeu excessif», une formation continue proposée par l’UNIL et le CHUV, qui connaîtra sa troisième édition dès novembre 2015.
Mélange des mondes
Cette dernière intéressera de nombreux professionnels, comme les assistants sociaux, les éducateurs, les infirmiers, les médecins et les psychologues, mais également les professionnels de l’industrie du jeu impliqués dans les programmes de prévention. Un mélange des mondes qui, dans les deux volées précédentes, a très bien fonctionné. Comme le CAS proposé à Lausanne constitue le seul dans son genre, il attire également des Français et des Belges, ce qui enrichit l’échange des approches et permet aux participants de se constituer un réseau. Accessible sur dossier, la formation se compose de six modules qui peuvent être suivis séparément. Ils couvrent tout le domaine: introduction au jeu excessif et aux addictions comportementales, prévention, comorbidités, mobilisation des proches, entretiens et plans d’accompagnement des patients, gestion des situations de crise et conclusion de la thérapie. Chaque module comprend trois jours de cours en «présentiel», du jeudi au samedi. A côté des volets théoriques indispensables, les intervenants utilisent les exercices ou les jeux de rôle pour fournir un certain savoir-être aux «étudiants», qui sont une dizaine par édition.
Plateforme en ligne et patient virtuel
L’un des aspects originaux du cursus réside dans une plateforme en ligne astucieuse qui donne du grain à moudre aux participants. Chez eux, entre les jours de cours à Lausanne, ils se plongent dans un matériel supplémentaire très structuré. Des lectures et des capsules vidéo avec des documentaires, des publicités, des extraits de films, des spots de prévention ou encore des conférences données par des chercheurs du domaine de l’addiction alimentent la réflexion. Ces éléments sont suivis d’exercices sous forme de «quiz» destinés à ancrer les notions abordées.
Plus fort encore: les organisateurs proposent de suivre un patient virtuel en ligne, incarné par un comédien. Les étudiants sont amenés à suivre ce dernier comme dans une vraie prise en charge clinique à travers plusieurs entretiens. Concrètement, pour chaque entretien qui dure une trentaine de minutes, le patient explique sa situation au travers d’une série de séquences et après chacune d’entre elles, les participants doivent décider ce qu’ils disent au patient en sélectionnant l’interaction la plus adéquate dans une liste de réponses possibles, ce qui les mène à des réponses vidéo du patient, et ainsi de suite. Dans ce même suivi, l’étudiant devra gérer les proches qui interagissent également dans l’exercice. Un parcours formateur, nourri à la fois par des cas réels et par la recherche. La réussite d’un examen en ligne permet ensuite de valider l’apprentissage. «Les personnes qui n’ont jamais pratiqué la formation à distance et qui sont peu habituées à être sur Internet s’y retrouvent très vite», rassure Mélina Andronicos. Un système de tutorat s’ajoute encore à la richesse de l’enseignement.
Le CAS se conclut par un travail de diplôme à réaliser dans le cadre professionnel, suivi d’un passage devant un jury. «J’attends des participants qu’ils soient dynamiques, volontaires, innovants et curieux», indique la psychologue. Le domaine du jeu excessif évolue au gré de progrès technologiques. Il ouvre des champs de recherche nouveaux. S’ils le suivent dans son entier de novembre 2015 à mai 2017, les «étudiants» décrochent 18 crédits ECTS. Ces derniers peuvent être valorisés dans d’autres cursus, comme par exemple le Master of Advanced Studies en Sciences et Organisation de la Santé proposé par l’Ecole Romande de Santé Publique, ainsi que dans le cadre du Diploma of Advanced Studies en addictions mis sur pied par la Fédération romande des organismes de formation dans le domaine des dépendances.
Face à la diversité religieuse en institution
Dans les hôpitaux, les écoles, les homes, les prisons ou encore aux guichets des services sociaux, «la question de la diversité religieuse se pose aujourd’hui de manière forte», note Irene Becci, professeure assistante à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines et responsable académique d’une nouvelle formation qui porte sur ce sujet.
Le personnel des institutions étatiques gère en effet au quotidien des situations où la liberté de croyance, régulièrement jugée comme étant une affaire privée, et le cadre du service public, laïc et neutre, divergent parfois. Comment réagir lorsqu’on est employé et bien souvent dénué de formation dans ce domaine? Des cantines scolaires aux derniers instants de la vie en milieu médical, de nombreuses occasions de malentendus, d’incompréhensions, voire même de frictions peuvent surgir.
Le cursus proposé, d’une durée de trois jours et demi, vise justement à donner les informations et les outils nécessaires pour appréhender la diversité religieuse dans la pratique professionnelle. Mais Irene Becci insiste: «Il s’agit aussi de poser des limites: la sécularité doit conserver sa place dans les services de l’Etat, car c’est elle qui permet les échanges.»
D’emblée, un bagage théorique est fourni. L’établissement d’un portrait des différentes religions qui se côtoient en Suisse et en Europe, enrichi de données chiffrées, constitue le point de départ de la formation. Les aspects légaux sont ensuite traités. Des études de cas, des moments de mise en commun des expériences des participants, ainsi qu’une table ronde sur la médiation sont prévus. Pour coller aux demandes particulières, des ateliers spécifiques, par exemple sur la prison ou l’école, sont proposés. Les discussions entre les participants et les nombreux intervenants, issus en majorité du monde de la recherche (Faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL, HES-SO et HEP), s’annoncent riches.
«Nous aimerions que les personnes interrogent leurs préconceptions et leurs pratiques, par exemple face aux tenants de religions dites controversées, ou très peu répandues», ajoute Irene Becci. La manière dont les médias influencent les perceptions de certaines croyances fait également partie du programme. Une journée supplémentaire optionnelle, centrée sur l’accompagnement et la médiation spirituelle, est proposée à destination des professionnels religieux, comme les aumôniers.