Trois études récentes dirigées à l’UNIL par le professeur Benjamin Marsland mettent en évidence le rôle essentiel du microbiote, ces bactéries qui colonisent nos organes. Notre système immunitaire, notre peau et notre sensibilité aux allergies sont concernés.
J’aimerais bien continuer à avaler du thé noir et à grignoter du chocolat tranquillement. Ce n’est pas forcément mauvais, d’ailleurs. Mais ça change probablement mon «microbiote». Quelle est cette bestiole? En réalité, une foultitude de bestioles puisque notre organisme se compose à 99% d’aliens minuscules que sont les bactéries, champignons, germes et virus divers. Une horde de microbes qui ne laissent à nos cellules humaines que 1% du territoire!
A l’UNIL-CHUV, le professeur Benjamin Marsland dirige plusieurs recherches sur ce thème. Deux articles issus d’études menées sur des souris ont récemment été publiés dans la revue Nature Medicine et un troisième est en préparation. Nos intestins sont colonisés par un très grand nombre de bactéries, on le savait déjà. Certaines sont bénéfiques et donnent à nos cellules immunitaires un signal correct, participant ainsi à leur éducation, et d’autres provoquent la panique dans notre système immunitaire qui s’emballe et peut alors déclencher une réponse inflammatoire inadéquate. Depuis quatre ans, grâce aux nouvelles techniques de séquençage de l’ADN, il a été possible d’identifier cette flore microbienne – ce microbiote – dans nos poumons.
Précisons qu’une souris élevée en conditions stériles – son petit organisme ne comporte aucun germe – se montre plus vulnérable aux allergies. Le premier article, issu d’une étude réalisée sur des souris et soutenu par des recherches menées au CHUV avec des bébés et de très jeunes enfants, a permis à Benjamin Marsland de montrer que les bactéries colonisent les poumons dès les premiers instants de la vie, transmises par la mère et acquises au gré des interactions avec nos environnements successifs. Une infection virale peut aussi changer le microbiote de l’enfant, perturbant ainsi le bon équilibre de celui-ci. On l’a dit: certaines bactéries affectent de manière négative notre système immunitaire, ce qui peut induire des maladies allergiques telles que l’asthme, ou d’autres affections qui se déclencheront plus tard dans la vie.
Le deuxième article est issu d’une recherche menée par Aurélien Trompette, sous la direction du professeur Marsland. Cette étude montre que la dégradation des fibres alimentaires par certains types de bactéries produit des molécules qui vont non seulement changer le microbiote local, mais encore pénétrer dans le sang et avoir un effet au niveau de la moelle osseuse, là où mûrissent les précurseurs d’une partie de nos cellules immunitaires. Une fois matures, ces cellules se dispersent dans l’organisme, entre autres dans les poumons. Pour résumer: si nous dégradons des fibres issues notamment de fruits et de légumes, nous rendons nos cellules immunitaires moins susceptibles de s’emballer face aux éléments allergènes et donc réellement protectrices.
En cours, une troisième étude porte sur la fumée de cigarette et autres polluants qui induisent une modification de l’environnement et du microbiote pulmonaires et engendrent une inflammation locale chronique, entraînant un déclin progressif de la fonction pulmonaire. A un certain moment, on peut basculer dans la maladie (bronchite pulmonaire chronique obstructive).
Ces études montrent l’importance du microbiote, dont l’apparition et les transformations depuis la naissance, en fonction de nos modes de vie et sous l’effet du temps qui passe, peuvent entraîner différentes maladies. Tous les organes semblent concernés. Les bactéries qui colonisent la peau, par exemple, jouent un rôle clé dans l’apparition ou non de dermatites et autres affections.