Non, ce n’est pas le nom d’un nouveau produit financier. Les «matching funds» désignent un mode de financement particulier de projets académiques: lorsqu’une institution alloue des fonds à un projet de recherche, le bénéficiaire s’engage à octroyer une contribution propre. Un modèle typiquement suisse.
Les matching funds ont récemment fait un passage médiatique remarqué, dans la foulée du «Human brain project». Piloté par l’EPFL, ce projet de recherche géant sur le cerveau – il rassemblera plus de 80 pays et instituts de recherche, dont l’équipe du professeur Richard Frackowiak à l’UNIL – a décroché un financement d’un demi-milliard d’euros de la part de l’Union européenne.
Les pays qui participent au Human brain project débourseront le même montant de leur poche, d’où l’appellation matching funds. Côté suisse, la Confédération versera 75 millions de francs pour la période 2013-2017. Le canton de Vaud participera en nature, via la construction du bâtiment Neuropolis sur le campus de l’UNIL, pour un montant de 35 millions.
Ce mode de financement constitue une rareté dans le monde des projets académiques internationaux. «C’est un cas tout à fait exceptionnel. Il existe certes des accords entre l’Europe et les gouvernements, où ces derniers paient pour participer à un projet qu’aucun Etat ne peut réaliser seul. Dans ces cas de figure, dont le CERN est emblématique, l’UE détermine et gère les contributions des gouvernements, selon une clé de répartition spécifique. Mais on ne peut pas parler de matching funds, à moins de vouloir en faire un outil de communication», explique Renzo Restori, adjoint à l’unité Recherche et relations internationales de l’UNIL.
Il en va tout autrement sur le plan national. En Suisse, les matching funds sont monnaie courante dans le paysage académique. Le principe est consacré au niveau juridique. La Loi fédérale sur l’aide aux universités, la LAU, précise que la Conférence universitaire suisse (CUS) est habilitée à soutenir des projets, monnayant une contribution au moins égale de la part des institutions bénéficiaires. «Il s’agit véritablement d’une spécificité suisse. Je ne connais pas d’autre pays qui pratique ce mode de financement en tant qu’obligation légale», affirme Renzo Restori.
Les universités peuvent verser leur contrepartie soit en argent frais, soit in kind, en nature. Sont concernés les projets financés par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation, via la Conférence universitaire suisse ou à travers les projets spéciaux du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
Plusieurs grands programmes sont financés selon ce modèle. SystemsX.ch, projet national en biologie des systèmes, reçoit à lui seul 50 millions de francs sur 4 ans. Des montants identiques sont attribués à Nano-Tera.ch, grande recherche sur les nanotechnologies. Autre exemple, les pôles de recherche nationaux du FNS, dans lesquels s’inscrit le programme sur les parcours de vie LIVES, piloté à l’UNIL par le professeur Dario Spini.
Cette allocation de fonds aux grands projets risque-t-elle de se faire au détriment d’autres pans de la recherche, moins visibles? Renzo Restori en doute. «La CUS a certes un budget limité, mais on sait d’avance comment sont réparties les tranches entre les investissements de base et les projets spéciaux. Même situation au FNS où la répartition entre les différents outils d’incitation à la recherche respecte un certain équilibre.»
Autre argument: les matching funds financent aussi des projets plus petits. En témoigne la réforme de la Faculté de théologie des Universités de Lausanne, Neuchâtel et Genève ou le transfert du département de géologie de l’UNINE vers l’UNIL.