Lumineux crépuscule dans le Jorat

Madeleine Roud
Image prise à Carrouge (VD) par son jeune frère Gustave, années 20-30.
Fonds photographique Gustave Roud, BCUL/© Charles-Antoine Subilia

Chercheur à l’UNIL, l’écrivain Bruno Pellegrino s’appuie sur la vie de Madeleine et Gustave Roud pour raconter le passage du temps, tout en douceur.

Discrète et curieuse, Madeleine se passionne pour les fusées et fume la pipe. Poète célèbre, son frère Gustave sillonne le Jorat à pied, avec son appareil photo. Une ferme familiale de Carrouge (VD), qui a connu des jours meilleurs, abrite ce duo de célibataires «shootés au thé». Dans son roman Là-bas, août est un mois d’automne, Bruno Pellegrino raconte l’écoulement de leurs jours, principalement dans les années 60 et 70.

L’auteur s’est inspiré des vies de Madeleine Roud (1893-1971) et de son cadet Gustave (1897-1976). «Librement, mais avec respect», précise-t-il. La distinction entre ce qui est avéré et ce qui ne l’est pas n’a d’ailleurs aucune importance pour Bruno Pellegrino (ni pour ses lecteurs). Par «honnêteté», toutefois, l’auteur n’hésite pas à faire ponctuellement irruption dans le récit, pour signaler que là, oui, il invente un peu ou que là, non, il ne sait pas.

C’est pendant ses études de Lettres à l’UNIL que Bruno Pellegrino a découvert le poète Gustave Roud, admiré par Jacques Chessex et Maurice Chappaz. «Je ne suis pas entré dans son œuvre par ses textes publiés mais par ses lettres et ses brouillons, ce qui me l’a rendu très humain», se souvient l’auteur, presque trentenaire.

Grâce à de nombreuses lectures et à des entretiens avec des personnes qui ont connu les Roud, Bruno Pellegrino réussit à rendre de manière à la fois sensible et convaincante l’atmosphère qui régnait dans la ferme du Jorat, que l’auteur a visitée plusieurs fois. De nombreux détails, comme les habitudes quotidiennes, les activités des chats de la maison, la croissance et le déclin des innombrables fleurs du jardin – un vrai cours de botanique – et le passage des saisons rendent compte de l’écoulement du temps. Car c’est l’un des sujets du roman: comment les choses prennent fin, doucement. Petit à petit, le XXe siècle cerne Madeleine et Gustave, qui vieillissent. Au-dessus de leurs têtes, Russes et Américains se disputent l’espace, comme la Gazette de Lausanne en rend compte. Juste devant chez eux, les travaux d’élargissement de la route engendrent bruit et poussière. Une partie de la grange doit être démolie.

Mais si leurs saisons glissent vers leur fin sans susciter de sentiment de nostalgie ou de tristesse, c’est grâce à l’humour et la très belle écriture de Bruno Pellegrino. De manière fluide, il mêle expressions orales, informations journalistiques et narration littéraire au cœur des paragraphes, suscitant régulièrement la surprise.

Aujourd’hui, avec plusieurs autres jeunes chercheurs installés à l’UNIL, Bruno Pellegrino collabore au projet «Gustave Roud, Œuvres complètes», soutenu par le FNS. Il s’agit pour eux de réaliser une édition critique de l’ensemble de la production du poète.

Là-bas, août est un mois d’automne. Par Bruno Pellegrino. Zoé (2018), 221 p.

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