Cet été, trois louveteaux ont été observés dans les Grisons. Une meute de loups vit désormais en Suisse, une première depuis le retour de l’animal dans les années 90. Allez savoir! avait anticipé cet événement. Extraits choisis.
Le 28 août 2012, un «piège photographique» immortalisait un louveteau dans un pré, dans le massif du Calanda, non loin de Coire (GR). Il n’était pas seul: des chasseurs ont vu trois petits appartenant à un couple de loups qui réside dans la région.
Neuf ans plus tôt, Allez savoir! consacrait un article au retour de la… louve dans les Alpes (et dans un autre canton): «Les loups de 2003 considèrent-ils le Valais comme un territoire suffisamment sûr pour y pointer le bout des oreilles avec une femelle, dans l’espoir de s’y reproduire et de former bientôt une première meute? Voilà la question qui vous faisait passer pour un provocateur au Café des Trois-Chasseurs, il y a quelques semaines encore», pouvait-on lire dans l’édition de février 2003.
«Reste que cette interrogation devient légitime depuis que les analyses génétiques du spécialiste de l’Université de Lausanne, Luca Fumagalli, ont démontré – c’était inédit depuis le retour présumé du grand canidé en 1994 – qu’une louve avait franchi la frontière suisse pour venir croquer quelques moutons dans la région du Simplon durant l’été 2002.»
«Une présence féminine en Valais qui change tout. Ou presque. “Les individus commencent peut-être à s’établir, observe Luca Fumagalli [aujourd’hui maître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution de l’UNIL, ndlr]. Il y a de la reproduction en France. Il y en aura vraisemblablement en Suisse, comme le laisse supposer l’arrivée de cette louve.” [Cette dernière], comme la femelle de l’ours, serait moins aventureuse que le mâle quand il s’agit de quitter la meute et de conquérir de nouveaux territoires […]»
Aujourd’hui, comme en 2003, l’animal suscite des craintes. «Le prédateur n’est pas revenu pour les moutons, poursuit Luca Fumagalli. Il est de retour parce que le nombre de chamois et de cervidés est infiniment supérieur à ce qu’il était il y a un siècle, à l’époque où les grands herbivores commençaient à disparaître de nos montagnes. Autant d’animaux qui ont été réintroduits depuis avec le succès que l’on sait, et qui viennent s’ajouter au nombre de proies potentielles du loup.»
«Du gibier en abondance dans les Alpes, voilà qui suffit à attirer ce formidable randonneur capable d’abattre des centaines de kilomètres sans être repéré. Car, comme l’a confirmé l’étude lausannoise, il y a toujours un temps de retard entre l’arrivée des émigrants et leur détection sous forme de cas isolés, souvent fort éloignés les uns des autres.»
«La trace génétique d’un loup italien est ainsi confirmée dans les Vosges en 1994, ce qui semble alors très loin de ses bases. Côté suisse, sa présence n’est confirmée qu’en 1996 en Valais, alors qu’elle était soupçonnée dès la fin 1994 dans le val Ferret. Sa présence est encore certifiée dans le Massif central en 1997, dans les Pyrénées orientales en 1999, et au Tessin et aux Grisons en 2001.»
«Toutes ces traces dispersées nous indiquent que, comme on le savait, l’animal a un très grand potentiel de colonisation, précise Luca Fumagalli. On remarque encore que ces animaux sont de véritables opportunistes qui n’ont pas besoin d’un couloir de migration avec un habitat favorable. Ils sont capables de traverser des zones urbaines ou industrielles et ne sont pas gênés par les autoroutes. Bref, ils sont capables de parcourir de très longues distances. Et ce, dans tous les environnements.»
«Avec de telles facultés, l’ennemi N°1 des chasseurs et des éleveurs devrait, selon toute vraisemblance, regagner sa place dans nos forêts, estime Luca Fumagalli, qui ne voit guère de limite à sa dispersion actuelle: «Les loups recolonisent l’aire de répartition originelle de l’espèce. Sachant que le loup a été l’une des espèces les plus répandues sur ce continent, cela pourrait dire toute l’Europe.»
Aujourd’hui, une douzaine de ces animaux résideraient dans notre pays.