Importante, l’origine? Notre origine? La question étant éminemment complexe, elle reste forcément sans réponse. Sans réponse univoque en tout cas. Psychanalyste, professeur honoraire aux universités de Lausanne et Genève, François Ansermet se la pose tout au long d’un petit livre malicieux et captivant. En bon lacanien, il joue et se joue de la langue et des mots. Et en bon freudien, il convoque au chevet de l’origine tout à la fois la littérature et la mythologie.
La réponse, «une fausse réponse à une vraie question», François Ansermet la résume dès la première page en un stimulant paradoxe: «L’origine, ça change tout!» mais «L’origine n’est pas tout! Il y a ce qu’on en fait». Fort de ce viatique, il s’intéresse à l’enfance amputée des écrivains Georges Perec et Aragon ou dialogue avec le critique littéraire et philosophe Maurice Blanchot. Après avoir questionné les dangers et les pièges de la prédiction génétique, un oracle tourné vers le passé, il revisite l’implacable destin d’Œdipe, victime du secret sur sa naissance.
Sous le titre «Vertiges technologiques de l’origine», François Ansermet aborde également la procréation médicalement assistée. Autant dire qu’on l’attendait avec impatience sur ce thème. Dans ce bref chapitre, il souligne notamment que les femmes seules, à la surprise générale, sont aujourd’hui majoritaires dans les demandes de gamètes. Il s’interroge dans la foulée sur ce fantasme de vouloir «procréer sans autre», en se passant de la sexualité. Et après s’être penché sur un cas concret, il conclut et résume avec humour: «Avec le don de sperme, le don d’ovocyte, le double don, la gestation pour autrui, il pourrait y avoir beaucoup de monde sur la photo d’origine.» / Mireille Descombes
Antoine Meillet, un grand linguiste
En 1921 paraissait le premier volume de Linguistique historique et linguistique générale du Français Antoine Meillet (1866-1936). En juin 2022, une journée d’étude à l’UNIL célébrait le centenaire de cette publication et rendait hommage à un maître des études linguistiques. Les différentes contributions présentées à cette occasion sont aujourd’hui réunies dans le 322e numéro de la revue Études de lettres. On y rappelle le rôle joué par Antoine Meillet dans la linguistique diachronique de trois langues en particulier, le proto-indo-européen, le grec et l’arménien. On y revient sur le rôle qu’il a joué dans le développement de la théorie de l’oralité, par le biais de ses travaux sur la langue homérique. Plus surprenant peut-être, on y évoque la singularité de sa voix «faible et comme voilée» dont on conserve aujourd’hui deux enregistrements sonores effectués en 1927 dans le cadre du projet des Archives de la parole./MD
Notice sur LabeLettres (Faculté des lettres)
Le personnage, un concept flou
Un être humain, reconnaissable, présent en chair et en os devant un public. Telle est l’idée que l’on se fait habituellement du personnage de théâtre et à laquelle de nombreux spectacles accordent une place de choix.
Pourtant, ce concept est bien plus vaste et plus flou qu’il n’y paraît. Un protagoniste peut prendre sur scène de multiples formes, allant de l’animal au robot, du masque à la marionnette, en passant par un individu ou une collectivité. Bien souvent, il devient un terrain d’expérimentation, de questionnement et de provocation. «Est-ce qu’Hamlet reste Hamlet lorsqu’il est joué par une femme?», se demandent par exemple les auteurs.
Parcourant des œuvres issues de l’Antiquité à nos jours, cet ouvrage rédigé par des membres du Centre d’études théâtrales de l’UNIL invite à questionner les conceptions qui prévalent aujourd’hui dans la culture occidentale. Il permet de mieux saisir la complexité d’une notion fondamentale pour la création dramatique./ LC