L’OMC, un jeu très sérieux

Gwendoline Bessot, Arnaud Wicky, Pierre-Alain Blanc et Fabienne Tiambo. © DR

Complément de l’article paru dans Allez savoir ! N°57, mai 2014.

En mars dernier, quatre étudiants de master en science politique à l’UNIL ont participé à la 11e édition de la simulation de l’Organisation Mondiale du Commerce (SimOMC), qui s’est tenue à HEC Montréal. Aux côtés de plus de 100 étudiants francophones venus du monde entier, Gwendoline Bessot, Arnaud Wicky (AW), Pierre-Alain Blanc (PAB) et Fabienne Tiambo ont participé à quatre jours de débats intenses. Rencontre.

D’où vous est venue l’idée de participer à SimOMC ?

PAB : C’est le professeur Jean-Christophe Graz (Institut d’études politiques et internationales) qui nous en a parlé. Dans le cadre de l’un de ses cours, nous avions réalisé une simulation du G20. En sciences politiques, nous nous intéressons au fonctionnement des institutions internationales : les simulations sont de bons exercices pour les comprendre. Sur la base d’une lettre de motivation, de nos CV et de nos notes, nos candidatures ont été retenues pour SimOMC.

A Montréal, vous avez incarné une délégation de la Banque mondiale. Pourquoi ?

AW Nous avons fait figure d’extraterrestres, puisque les étudiants choisissent toujours de « jouer » des Etats. Or, c’est intéressant de choisir un acteur non-étatique, ce qui nous a poussés à bien comprendre son rôle, ses lignes directrices et ses statuts. Nous nous donc sommes bien documentés. Il y a eu une petite surprise : lors de l’évènement, notre délégation avait un droit de vote, alors qu’à l’OMC, la Banque mondiale est observatrice.

PAB Dans la culture anglo-saxonne de l’enseignement universitaire, les Etats sont considérés comme des acteurs centraux du commerce international. Or, dans nos cours sur la mondialisation à l’UNIL, nous avons analysé de manière ouverte l’ensemble des acteurs, publics et privés. Donc des lobbys. C’est aussi à cause de cette tradition que nous avons choisi la Banque mondiale.

Concrètement, comment les journées se sont-elles déroulées ?

AW D’abord, nous avons endossé nos costards-cravates. Sur place, à Montréal, les organisateurs nous ont remis un dossier. Et ensuite, nous avons été jetés dans le bain ! Mais nous avions tout de même reçu à l’avance les règles et les procédures des débats, qui comprennent la manière de s’adresser à la présidence ou de répondre à une autre délégation par exemple. Le code Morin, appliqué à l’OMC, en constitue la base. Les journées étaient longues, car les séances couraient souvent de 8h30 à 21h !

PAB Les organisateurs nous ont fourni les cas traités à l’avance, sous la forme de deux scénarios. Pour le premier, il s’agissait de remplacer un président de l’OMC démissionnaire. Notre rôle consistait à utiliser tous les leviers possibles pour promouvoir « notre » candidat, parmi une liste de possibles. Nos collègues étudiantes de l’UNIL Gwendoline Bessot et Fabienne Tiambo, qui incarnaient l’Afrique du Sud, devaient justement soutenir un potentiel président qui provenait de ce pays. Le deuxième cas traitait de la Chine, et de la question de la libéralisation de sa monnaie dans certains espaces économiques, ce qui peut provoquer u dumping à l’exportation de ses produits. Le but était de modifier quelques textes de l’OMC pour faire face à ce problème.

AW La délégation chinoise a bien joué le jeu, en tentant de rompre les négociations ou d’imposer un autre sujet de discussion. Nous avons formé des coalitions pour chercher des solutions et ne pas aborder le débat de front.

Comment étiez-vous jugé ?

PAB Un jury suivait l’événement. Certaines équipes étaient très bien préparées. Ainsi, une délégation de l’Université du Québec à Montréal, qui représentait le Pakistan, a obtenu un prix : ils connaissaient toutes les petites subtilités techniques et les exceptions dans les textes, ils avaient des amendements bien fignolés sous la main…

AW C’était un vrai enjeu pour eux, car leur propre expert les a suivis. Leur prestation était évaluée dans le cadre d’un cours !

PAB Certains étudiants prennent SimOMC très à cœur. Par exemple, le jury a décidé que le candidat de l’Afrique du Sud à la présidence de l’OMC, soutenu par nos collègues de l’UNIL, avait été kidnappé et sortait du jeu. Ce deus ex machina a provoqué des fortes réactions dans la salle, et même des cris et des pleurs de la part de certaines personnes très investies. D’ailleurs, lors des moments « hors-jeu », par exemple lors des cocktails, certains restent tellement dans leur personnage qu’il faut faire attention à ce que l’on dit ! Un avis personnel peut être pris comme la position officielle de la délégation.

Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

AW J’ai beaucoup apprécié les négociations. Comme je me destine à la voie diplomatique, je pense que ce fut un bon exercice. Ce voyage m’a donné envie de réaliser mon travail de master sur l’OMC.

PAB Même si je passe ma vie académique à critiquer ces institutions – c’est dû à mon cadre conceptuel – je dois admettre que les personnes qui y participent ont du mérite, vu la lourdeur que le code Morin et les procédures donnent aux débats. C’est même un « boulot de fou » d’être représentant à l’OMC. De plus, j’ai rencontré de nombreux étudiants francophones, même si nous n’avons pas eu assez de temps « hors simulation» pour échanger.

Quels conseils donneriez-vous pour les prochains participants de l’UNIL à SimOMC ?

AW La préparation est importante. Quand les débats deviennent très techniques, on risque d’être largué. Alors que les spécialistes du droit du commerce sont à l’aise. Heureusement, nous avions le livre sur les traités internationaux d’Andreas Ziegler – professeur à l’UNIL – sous la main. Autre chose : avant de partir, il faut s’imaginer monter sur estrade et de s’exprimer bien et de manière pertinence devant 120 personnes. Il s’agit de donner une bonne image de notre institution et de lui donner de la visibilité auprès d’étudiants du monde entier. Certains d’entre eux nous ont manifesté leur intérêt pour l’UNIL lors de moments informels.

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