C’ est un petit pas en direction de l’égalité hommes-femmes, mais un pas symbolique, que nous ferons le 17 juin prochain. Comment? Pas noté la date dans votre agenda? Et pourtant, nous célébrerons ce jour-là la première «Fête des pères» suisse. Du moins, la première manifestation officielle de ce genre, puisque nombre d’entre nous ont déjà bénéficié, ces dernières années, des retombées de la Fête des pères, qui est célébrée en France voisine depuis 1952.
Mais combien d’entre nous méritent vraiment cette attention, avec, on l’espère, la promesse d’une grasse matinée et d’un petit-déjeuner au lit apporté par des enfants souriants? Terriblement peu, si l’on en croit les statistiques rapportées par des experts de l’UNIL dans ce numéro d’«Allez savoir!». A cette aune cruelle, les «nouveaux pères» suisses ne seraient que 2%. Un chiffre ridiculement bas, tant cette figure du papa poule s’apparente depuis longtemps à un cliché publicitaire.
Deux pour cent. Le chiffre est d’autant plus difficile à croire quand on accompagne ses enfants à l’école tous les matins, et que l’on croise un bon tiers de pères sur le trajet. Pourtant, les chiffres sont têtus. Si quatre décennies se sont écoulées depuis 1968, les inégalités continuent à se creuser dans les couples, même modernes, dès que les enfants paraissent. Sur un mode apparemment mécanique. Parce que la répartition des tâches s’opère alors après une analyse comparative des salaires du mari et de son épouse.
Démoralisant? Certainement. Immuable? Nous le vérifierons peut-être dans deux autres décennies. Car la situation semble moins figée que cette statistique cruelle ne le laisse imaginer, comme le montre l’évolution spectaculaire des «nouveaux grandspères». Bon nombre de ces jeunes retraités ont aujourd’hui pour leurs petits-enfants des disponibilités qu’ils n’ont pas eues pour leurs propres enfants. Ces seniors qui réinventent le troisième âge y expérimentent aussi des tâches nouvelles : changer des couches, préparer des minestrones, fredonner des berceuses et jouer au train en bois. Quand on ne les croise pas, eux aussi, sur le chemin de l’école.
Ces nouveaux grands-pères découvrent un rôle qu’ils n’auraient jamais imaginé jouer, eu égard à l’éducation qu’ils ont reçue. Ce nouveau statut, ils l’ont investi progressivement, en regardant leurs fils à l’oeuvre. D’abord avec amusement. Puis avec un zeste de regret. Avant de découvrir que s’occuper des enfants pouvait être un plaisir, et de s’initier avec enthousiasme.
La chance de cette génération de nouveaux grands-pères aura été de se voir offrir une séance de rattrapage. Reste à savoir si leur présence auprès des petits enfants servira de modèle aux petits garçons, pour nous permettre de franchir un pas moins symbolique et plus significatif vers un monde plus égalitaire. On doit l’espérer, au moment de leur souhaiter, à eux aussi, leur première véritable «Fête des pères».
Jocelyn Rochat