Comment reconstituer les annales du climat passé? Comment savoir quel animal vivait dans nos régions à telle ou telle époque? Les explications de Torsten Vennemann, professeur de géosciences à l’UNIL. En guise de boule de cristal, les géologues, paléoclimatologues et autres spécialistes de ces études disposent de matériaux dans lesquels ils savent «lire» l’histoire de notre Terre.
A ce titre, les pôles renferment d’inestimables trésors. En prélevant une carotte de glace de plus de trois kilomètres de long dans la calotte de l’Antarctique, et en analysant l’air qui y était enfermé, une équipe européenne est ainsi parvenue à recomposer de manière très précise les variations du climat au cours des 740’ 000 dernières années.
Un grand saut dans le temps
Torsten Vennemann, professeur de géosciences à l’UNIL, a décidé de faire un saut beaucoup plus grand encore dans le temps, puisque ses recherches le projettent dans le miocène, à plusieurs millions d’années de notre ère. Ce qui ne l’empêche pas de décrire, presque comme s’il y était, le paysage qui était alors celui de notre région.
A cette fin, il analyse les sédiments – ces matériaux qui, en couches successives, se sont accumulés au fil du temps sous la terre ou les océans. Ces dépôts sont en effet riches en fossiles de toutes sortes: empreintes de feuilles, grains de pollen, morceaux d’os ou de dents, qu’il est possible de dater avec «une précision qui peut atteindre un demi-million d’années». A l’échelle géologique, c’est fort peu. Autant dire que, pour les scientifiques, ces traces sont de véritables pièces à conviction.
Des dents de requins fossiles
Torsten Vennemann ne cache pas qu’il «aime tout particulièrement extraire des fossiles pour les analyser». Cela lui donne une première indication des espèces qui vivaient dans un lieu donné, donc du climat qui y régnait. «Si l’on trouve par exemple des restes de crocodiles, cela signifie que la température ne pouvait pas descendre au-dessous de zéro, car ces espèces ne supportent pas le froid.»
Mais le chercheur fait mieux encore: il parvient à faire parler les dents de requin ou les fossiles de minuscules animaux marins comme les foraminifères, en examinant les différentes variétés de carbone ou d’oxygène qu’ils renferment. Cette étude de la «composition isotopique» des fossiles permet de quantifier la température, d’estimer la circulation de l’eau et de connaître la teneur en CO2 de l’atmosphère ambiante.
Ses outils? Il s’agit en effet de gros équipements, tels des spectromètres de masse qui permettent d’analyser avec une grande précision la composition d’un échantillon. «Ce sont des thermomètres, mais qui sont un peu plus chers que les instruments de mesure normaux», explique Torsten Vennemann avec humour, en précisant que son laboratoire abrite pour plusieurs millions de francs de matériel. C’est à ce prix toutefois qu’il devient possible de scruter le passé pour «essayer d’interpréter l’avenir».
Elisabeth Gordon
A lire:
«Bienvenue au mésozoïque, le parc suisse des dinosaures», un autre article d’«Allez savoir!» (N° 38, juin 2007), où Torsten Vennemann fait parler les fossiles.