Christine Mohr et son équipe ont étudié les rapports qui existent entre couleurs et sentiments dans 66 pays. Surprise: les mêmes teintes sont liées aux mêmes émotions presque partout.
«Nous étions persuadés qu’il y aurait de grandes différences entre les nationalités, que les gens penseraient aux couleurs comme à des expériences sensorielles, que les daltoniens ne feraient pas les mêmes liens entre couleur et émotion. Finalement, en huit ans d’études, ces hypothèses se sont toutes révélées fausses», s’étonne encore Christine Mohr, professeure ordinaire en psychologie cognitive et directrice du Laboratoire de recherche expérimentale sur le comportement à l’UNIL. Ainsi le rouge représente aussi bien l’amour, comme le rose, que la colère et la haine, tel le noir, que l’on vienne d’Afrique du Sud ou du Japon.
En revanche, sur les douze couleurs principales qui ont été étudiées, le jaune a créé des divisions géographiques. Si jaune et joie sont liés dans les pays froids, ce lien s’efface dans les contrées arides. «Plus les participants à l’enquête vivent près de l’équateur, moins ils associent le jaune à quelque chose de joyeux, précise la chercheuse. Les Finlandais, les Islandais et les Néo-Zélandais ont une image positive du jaune, tandis que les Égyptiens ou les habitants d’Arabie saoudite le relient à la sécheresse, à une chaleur pesante. Au Bangladesh et en Colombie, on retrouve le jaune et la joie, car ces pays sont chauds, mais humides.» La psychologue ajoute que les recherches ont été poussées jusqu’à l’analyse des pluies annuelles en comparaison avec l’année durant laquelle les participants ont répondu. Résultat: cela n’a pas du tout influencé les réponses.
«Cela semble fortement ancré dans une expérience géographique, sans rapport avec des éléments extérieurs. Notre rapport aux couleurs est très conceptuel. Il s’agit de quelque chose qu’on a appris et qui nous aide à la compréhension du monde. C’est pour cette raison que nous travaillons maintenant avec les aveugles. La couleur en tant que concept nous aide à comprendre l’affectivité dans notre environnement, sans qu’on le perçoive. Même si un aveugle de naissance n’a jamais vu une couleur, il a saisi qu’elle a une certaine signification, souvent universelle. Nous verrons si cela ressort dans notre étude.»
Bien-être et couleurs?
La chromothérapie est aussi passée sous la loupe des psychologues de l’UNIL. Cette médecine naturelle, qui stipule que chaque couleur possèderait une vibration lumineuse propre et qu’elle aurait des effets bénéfiques sur le corps, ne les a pas convaincus. «Il est possible que la luminosité et la saturation aient une importance, mais pas les couleurs, remarque la psychologue. Toutefois, une étude contrôlée scientifiquement sur le sujet est très difficile à réaliser. Il y a actuellement des essais dans les EMS et les crèches où l’on repeint les murs avec diverses teintes pour voir si le bien-être peut passer par la couleur. Dans les prisons, certains artistes viennent faire du street art. Selon moi, la couleur en soi n’est pas marquante, contrairement à comment on prend soin de son environnement, en le modelant à son goût.»
Et serait-on plus gentil, plus fourbe ou plus anxieux selon qu’on préfère le vert ou le violet? La réponse de la chercheuse est catégorique: non! Aucun lien n’a pu être relevé entre une préférence de couleur et un type de personnalité. De même que le rose n’est pas plus destiné aux filles que le bleu aux garçons. «En questionnant des enfants de 12 à 16 ans, nous avons constaté que les uns et les autres aiment tout autant le bleu que le rose. Mais le genre masculin refuse d’être associé au rose, qui reste considéré comme faible et féminin.»
Informations: colourexperience.ch/homefr
Article principal: Les Romands ont plus peur des chouettes que les Alémaniques