Responsable de l’Unité de thérapie régénérative du CHUV, la professeure Lee Ann Laurent-Applegate et son équipe ont développé un pansement biologique qui stimule la régénération de la peau des grands brûlés.
Lorsqu’un blessé arrive dans un centre pour grands brûlés, l’urgence est d’éviter les infections en recouvrant le plus rapidement son corps. Si la peau saine ne suffit pas, une biopsie de peau non brûlée permet de prélever des cellules de l’épiderme que l’on met en culture pour constituer des greffes de culture. Au CHUV, le Centre de production cellulaire est capable de produire ces greffes de culture en dix à douze jours. A Lausanne, l’Unité de thérapie régénérative tente sans cesse de développer de nouveaux processus.
Biologiste et spécialiste de l’ingénierie tissulaire pour la régénération de la peau et des tissus musculo-squelettiques, Lee Ann Laurent-Applegate travaille sur la peau depuis les années 80. Elle et son équipe ont développé des banques de cellules progénitrices selon les bonnes pratiques de fabrication (en anglais: Good Manufacturing Practice, GMP), utilisables en clinique, et déposé un brevet pour un pansement biologique composé de cellules progénitrices de peau ensemencées sur une matrice de collagène. Ces cellules sont obtenues à partir d’une biopsie de peau fœtale de 2 cm2 et le don d’organe a été approuvé par le comité d’éthique du canton de Vaud. L’avantage des cellules progénitrices par rapport aux cellules souches est qu’elles sont déjà différenciées en un type cellulaire spécifique, ce qui les rend stables et faciles à cultiver, alors que dans le cas de cellules souches, on court toujours le risque d’une dédifférenciation (elles changent de type cellulaire). Les cellules issues de cette seule biopsie de peau permettront de préparer au minimum 1000 milliards de pansements biologiques.
Des essais cliniques prometteurs
En 2005, deux essais cliniques – le premier en gériatrie sur des personnes souffrant d’ulcères des jambes récalcitrants, le second sur des enfants brûlés au deuxième degré sur environ 20% du corps – ont montré l’efficacité de ce pansement et ses vertus inattendues. «Le pansement biologique devait servir à préparer le patient pour une autogreffe, explique Lee Ann Laurent-Applegate, mais l’étude a montré qu’en dix ou douze jours de traitement, la peau blessée était réparée. Les pansements biologiques ont stimulé la régénération de la peau, de ce fait aucun des patients traités n’a eu recours à une autogreffe.» Ces pansements offrent d’autres avantages: ils peuvent être préparés rapidement, livrés en 48 heures et appliqués en une dizaine de minutes sur tout le corps; biodégradables, ils se nettoient facilement avec de l’eau (on change les pansements et on lave les grands brûlés deux fois par semaine environ).
Les essais cliniques de l’unité de thérapie régénérative sont en «stand by» depuis le changement de la Loi suisse sur les transplantations, qui depuis 2007 impose aux transplantations de tissus et de cellules la réglementation établie pour les dons d’organes. Ils reprendront prochainement. Son équipe, avec la collaboration des juristes du CHUV, a réglé la jurisprudence pour ce programme et achevé la standardisation et la mise aux normes GMP des phases de création et d’utilisation de son pansement biologique. Un travail long et ingrat pour obtenir le sésame qui lui permettra de poursuivre la recherche clinique. «Nous suivons les premiers patients traités avec les pansements biologiques depuis plus de dix ans et nous n’avons jamais constaté de problème. Mais je comprends qu’il faille mettre les processus de culture cellulaire et de fabrication de pansements biologiques aux normes imposées par la loi, c’est important pour la sécurité du patient», conclut Lee Ann Laurent-Applegate.
Article principal: Demain, on essaie de recréer des organes humains